Avant d'en revenir à ma détestable habitude de pérorer sur ce site parfois dans un rapport indirect sinon presque inexistant avec le contenu des œuvres dont je me sers de rampe de lancement, quelques mots sur le travail de Steven Koonin. Celui-ci, ancien conseiller dans l'administration Obama et visiblement plus proche du scientifique « mainstream » que du vilain complotiste climatosceptique que n'a pas manqué de vouloir nous vendre la propagande désormais devenue habituelle dans nos libérales contrées occidentales, propose un travail solide que je résumerai en quelques points, de façon lapidaire :
- Le réchauffement climatique récent est une réalité et ses origines sont au moins partiellement anthropiques
- Nous ne disposons pas du recul temporel et scientifique suffisant pour établir si ce réchauffement s'écarte drastiquement des patterns observés par le passé, ni même pour établir précisément la part jouée par les activités humaines dans les modifications du climat
- Les modèles (alarmistes) existants sont totalement incapables de prévoir avec certitude le futur en ce qu'ils ne sont même pas capables de prévoir avec justesse le passé : appliqués aux conditions climatiques connues vers 1900, ils échouent en effet à modéliser l'évolution du climat au cours du XXe siècle - tout particulièrement une période de réchauffement rapide courant de 1910 à 1940 avant une stagnation relative, ce qui semble prouver que le global warming ne suit pas linéairement la hausse des activités humaines et puise aussi à des sources naturelles
- Contrairement à ce que prétend la doxa, il est impossible de mettre en évidence la supposée hausse que le réchauffement de la planète aurait provoqué dans la fréquence des catastrophes naturelles - en fait, la seule variation notable mesurée par l'auteur est celle d'une... diminution (!!!!) de la fréquence des tornades violentes aux États-Unis
- La présentation de ces faits au grand public par les autorités compétentes (le GIEC, la presse, les gouvernements) est partiale, tendancieuse, inévitablement tournée vers le catastrophisme (les rapports ne sont jamais présentés de façon exhaustive et transparente) et nuit en cela à une saine émulation scientifique qui permettrait de mieux saisir les enjeux avec exactitude, c'est-à-dire de jauger la nécessité d'une réponse et la pertinence des solutions proposées
Steven Koonin propose aussi, de façon consensuelle, politiquement correcte et même un peu naïve, une ébauche d'explication de ces errements politico scientifiques qui consistent à produire un scénario alarmiste de façon pseudo-scientifique tout en interdisant sa remise en cause - toute ressemblance avec la crise covid serait bien entendu fortuite et totalement étrangère aux intentions de l'auteur. Je passe sur le volet économique (oui, le lobby des énergies renouvelables pèse aujourd'hui très lourd) pour proposer pêle-mêle quelques idées dont j'espère que quelques-unes auront au moins le mérite de l'originalité :
- L'humanité postmoderne se cherche une religion. Revêtu d'un apparat scientifique qui flatte les racines modernes et rationnelles dont se targue l'esprit de l'homme du XXIe siècle, l'écologisme renvoie aussi vaguement à une spiritualité new age qui semble se situer au croisement de ce rationalisme à bout de souffle et d'un retour du religieux encore freiné par cette idée issue des Lumières que l'homme s'affranchira par la technique et la raison des superstitions du passé. L'écologisme est justement le vecteur tout trouvé pour cette transition : issu de craintes d'origine scientifique, il croit avoir levé le voile sur l'incapacité dernière de l'homme à modifier ses conditions d'existence sans s'en trouver durablement affecté, et associe l'idée de progrès matériel à une hybris mortifère. Voir la science et la technique lever elles-mêmes le voile sur les dangers qu'elles font courir à l'humanité dirige facilement l'esprit vers la représentation d'une Révélation écologiste, en ce sens d'un dépassement d'anciens modes de pensée confrontés à leurs propres limites. Le modèle civilisationnel ancien, à bout de souffle, donnerait à travers sa propre mort l'image d'une résurgence de la vie qu'il a longtemps brimée à travers la revanche d'une nature en colère dont il s'agirait maintenant d'écouter la voix ancestrale. On note qu'au-delà de ces relents mystiques, l'idée-force du mouvement est quasi dialectique, et agrège aux âmes en quête de spiritualité les anciens courants marxistes qui trouvent ici dans leur vision de l'histoire une incarnation spiritualisée qui leur permette de dépasser l'échec du marxisme communiste et matérialiste désormais décrédibilisé. Par ce côté-ci, l'écologisme toucherait davantage ses militants et autres zadistes patentés.
- Affaire de sensibilités marxistes, l'écologisme serait aussi paradoxalement et secondairement devenu une marotte de classe portée par le monde bourgeois comme signe distinctif ostentatoire vis-à-vis des classes prolétaires, dont les préoccupations sont nécessairement plus prosaïques - on cherche avant tout à s'assurer qu'il y ait de la bouffe sur la table (voir une table tout court) avant de réfléchir à la provenance du bois et au sort funeste de l'Amazonie brésilienne. Ainsi, l'écologisme serait, dans un registre somptuaire, affaire de goût et de distinction autant que de sensibilité morale. J'emprunte cette idée à Philippe Fabry et son récent livre sur l'avenir de l'Union Européenne ; un coup d'œil rapide aux élites européennes, à leur degré de corruption et leur incompétence lui ajoute un poids certain, tant il est clair que ces élites ne peuvent que difficilement prétendre se distinguer de la masse par le brio de leur leadership et leurs réussites politico-économiques.
- Idée plus fragile et ténue mais aussi plus originale que je ne dois cette fois qu'à moi-même et qui n'en reste clairement qu'au stade d'hypothèse heuristique, l'écologisme serait un courant de pays déclinants. On aura de fait tous noté le hiatus entre une Europe de l'Ouest enthousiaste et le reste du globe, nettement plus réticent à la suivre dans la danse climatique - les Russes, qui se réjouissent de voir la fonte des glaces leur ouvrir en grand la route maritime de l'Arctique, ne nous diront pas le contraire. Au-delà des impératifs prosaïques que ne manque pas de rappeler Koonin - les pays en développement ont avant tout à cœur d'offrir de meilleures conditions de vie à leurs populations et la sobriété énergétique est un luxe qu'ils ne peuvent pas se permettre - j'aimerais là aussi supputer d'un motif psychologique à l'entrain montré par les Européens dans cette aventure écologique. En fait, il me semble que l'Europe a aujourd'hui largement compris son déclassement technologique et géopolitique. Si elle s'empare à bras le corps de la question climatique, c'est aussi par refus de voir les reliquats de son influence s'éteindre, et pour se prémunir d'un avant-gardisme moral qui est comme le dernier écho de son lustre international passé. L'écologisme d'inspiration occidentale, c'est aussi le vieux monde géopolitique qui se refuse à mourir, et brandit dans ce conservatisme inconscient une idéologie révolutionnaire comme il croirait brandir à nouveau la flamme qui éclairera l'humanité. Si j'étais cynique, j'irais même d'ailleurs jusqu'à affirmer que l'écologisme est aussi une arme visant à ralentir la croissance des pays émergents et la chute inéluctable du (trop) Vieux Continent. Mais ce n'est pas le genre de la maison, si ?
- Enfin, et c'est la vieille rengaine complotiste, l'écologisme est l'arme ultime dans les mains du grand capital mondialiste. S'il a pour inconvénient apparent de prôner des modes de vie plus frugaux et de freiner la consommation, il désigne surtout une menace que l'humanité ne saurait traiter sans parler de concert. Pointant sans cesse du doigt l'apathie des États, ces vieilleries d'un autre âge incapables de prendre la mesure de l'apocalypse à venir (bien que, pas très ponctuelle, elle semble déjà en retard de quelques décennies sur le calendrier annoncé de longue date), il réclame à corps et à cris un gouvernement mondial seul à même de prendre le problème à bras le corps. Pour tous les Klaus Schwab de ce monde, l'écologisme n'est pas que la fin glorieuse par le truchement de laquelle ils se sont jurés de sauver l'humanité toute entière (on en revient à la fois à la dimension messianique occidentale, au développement d'une culture élitaire paternaliste et condescendante et aux relents d'une spiritualité qui ressemble quelque part aux borborygmes d'un matérialisme agonisant) mais aussi le moyen le plus efficace d'assurer leur concentration du pouvoir par-delà la démocratie et les nations.
Bref, la question climatique est une question d'importance, mais elle tend à l'humanité de nombreux pièges dans lesquels il est regrettable de la voir joyeusement se vautrer. Je ne cherche à déresponsabiliser personne, au contraire. J'inciterai plutôt, sur la base d'une science véritable qui doit toujours primer parce que l'histoire a montré qu'elle était seule à même de saisir (et de se saisir) efficacement des défis que le monde nous tend, à cesser de croire en des idioties, et à croire un peu plus en l'homme, son intelligence et ses capacités d'adaptation. Car guette toujours, derrière la bonhommie de façade de l'environnementalisme contemporain, le spectre nihiliste d'une mortification qui porte en elle une haine profonde de l'être humain, en dépit de toutes les protestations par lesquelles elle se défend de vouloir le sauver.