A cause de la construction d'une pissotière jugée par certains trop proche de l'église, c'est tout un petit village qui implose sous l'oeil impitoyable et la prose délicieusement vitriolée de l'auteur.
Armée, religion, croyants, hommes politiques, administration, bourgeoisie, aristocratie : personne n'est épargné et Gabriel Chevallier porte à son plus haut niveau la satire sociale.
On se régale de ces petites et grandes mesquineries humaines, de cette bienpensance hypocrite décortiquées avec un mordant jubilatoire : commérages de villageois et voisins bouffés par l'envie et la jalousie, manoeuvres politiciennes puantes d'opportunisme, alliances intéressées, étalage de petitesses humaines, comportements peu glorieux de ses semblables, l'auteur n'oublie rien de ce qui fait les petits travers humains les plus détestables.
La chronique est féroce, le sarcasme est élevé au rang d'art, Gabriel Chevallier fait payer à la caste des décideurs politiques sa jeunesse bousillée dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale.
Sa plume est aussi tranchante qu'un couperet, son humour caustique est salutaire et le rire est maintenu sur les 300 pages qui composent ce roman.
D'aucuns se demandent de quelle façon un Coluche aurait commenté les médiocres de notre début de 21e siècle.
Pour ma part, je me prends à imaginer la satire caustique d'un Gabriel Chevallier pour commenter nos politiciens et nos médias tartuffes : gageons qu'il n'aurait pas manqué de carburant pour déverser sa prose acérée.
Avec "Clochemerle", on tient une charge satirique comme j'en ai rarement eu entre mes mains de lecteur !