L'Art permet de tout exprimer via le prisme d'une forme qui possède des codes admis par celles et ceux qui les maîtrisent ou du moins, savent en apprécier les manifestations.
Ce roman qui se présente sous la forme de journal intime, évoque sans ambages mais avec style et une belle forme poétique, les affres d'un homme qui trouve un intense plaisir sensuel à baiser des cadavres.
C'est étonnant, je n'avais jamais lu une chose pareille écrite de cette façon.
J'ai quelques souvenirs de récits à base de nécrophilie : Bukowski l'évoque dans une nouvelle intitulée "La sirène" (adaptée au tout début des années 90 dans le film "Lune froide", un film de et avec Patrick Bouchitey et Jean-Pierre Stévenin), Joyce Carol Oates y fait quelques allusions dans son tétanisant "Zombie".
La nécrophilie occupe l'intégralité du roman de Wittkop, car il s'agit ici d'une obsession à mettre sur le compte du narrateur, déclinée à travers de macabres et stressantes pérégrinations nocturnes dans les cimetières de la banlieue parisienne.
Cela peut choquer, révulser, et il se trouvera toujours des orfraies pour hurler au scandale afin de couvrir ce qu'ils ne veulent pas voir, ces éternel(le)s tenants autoproclamés du "bon goût", celles et ceux qui vous disent ce qu'il est bon de dire ou de ne pas dire.
Pour ma part, j'ai été séduit par ce récit qui nous plonge dans un univers vénéneux, déviant, dans le sens où l'on n'est pas habitués à aborder un sujet comme la nécrophilie.
Et alors quoi ? N'est-ce-pas là une des principales fonctions de l'Art que de diriger notre regard et nos sens vers ce que nos oeillères quotidiennes ne veulent/savent pas regarder ?
C'est ce qu'a fait Baudelaire lorsqu'il évoque une charogne pourrissante au soleil et qui avait scandalisé en son temps : pourquoi l'artiste devrait se limiter à décrire ce qui est communément admis comme étant le Beau et le dicible ?
L'Art avance tandis que les imbéciles à l'âme sclérosée, eux, regardent passer le train.
Ce qu'a écrit Mme Wittkop est troublant, parfois incommode, mais il s'agit ici d'une simple fiction, écrite avec panache qui plus est, et c'est pour cela que cela doit être apprécié.
Est-il d'ailleurs vraiment utile de le rappeler comme il avait été jugé utile de rappeler en 2015 que des dessinateurs avaient été assassinés pour... de simples dessins ?...