Ma maman est actuellement en pleine période de redécouverte du Petit Prince. Au point de traquer sur les sites d'enchères quelques jolies versions exotiques, qui substituent au dessin naïf de Saint-Exupéry de belles illustrations d'artistes du cru , quand elle ne tombe pas tout simplement sur un livre pop up plein d'idéogrammes chinois.
Il y a une quinzaine de jours, elle m'a mis dans les pattes un bouquin que je lui avais trouvé en librairie, en me glissant "tu me diras ce que tu en penses" avec un sourire malicieux.
Le dernier Bussi est donc un livre qui cause du Petit Prince, et plus particulièrement de son mystère, associé à celui de la disparition de son auteur. Les circonstances sont troublantes de similarités, et les coïncidences trop étonnantes pour n'en être que de simples. Jusqu'à penser que l'on nous cacherait quelque chose.
Et si l'histoire officielle n'était qu'un paravent ?
On devine que les recherches de Michel Bussi sur le sujet ont été un sacré travail. Sauf que l'on oublie bien vite cet aspect des choses, tant l'histoire tissée vous happe et vous entraîne jusqu'à l'étonnement, voire l'incrédulité, tant certaines informations, toutes véridiques, peuvent faire sens une fois mises bout à bout.
L'auteur entremêle avec succès la fiction et le réel pour faire de Code 612 : Qui a tué le Petit Prince ? une véritable contre-enquête en forme de polar sur lequel plane une inquiétante menace de mort. Il revisite littéralement le conte d'Antoine de Saint-Exupéry en liant l'auteur à sa création, en en faisant un livre à clés, et du livre le plus traduit après la Bible une oeuvre à portée testamentaire augurant du drame.
Bussi nous invite à revisiter les lieux du drame, dans un tour du monde calqué sur les pérégrinations du Petit Prince. A rouvrir les archives et réfléchir sur nombres de circonstances entourant la mort de l'aviateur, comme s'il rouvrait un cold case. A donner au Petit Prince une nouvelle signification au-delà des apparences et des souvenirs de lectures que l'on a pu conserver au fond de son coeur.
A l'image des membres de cet étrange club, prétextes pour Bussi de dessiner l'influence et l'importance du Petit Prince, ainsi que son retentissement planétaire sur l'imaginaire. En teintant la fable d'un soupçon de mélancolie supplémentaire en convoquant l'absence et le souvenir.
Code 612 : Qui a tué le Petit Prince ? est aussi l'occasion d'en apprendre un peu plus sur Saint-Exupéry et ses zones d'ombres, et ses vies multiples. Son goût de la fréquentation des belles femmes et son désir contradictoire de solitude.
Là est peut être le plus beau cadeau offert par Michel Bussi : réussir à donner un autre sens au Petit Prince, à l'envisager sous un autre angle. Et en multipliant les hypothèses, les fausses pistes et les réflexions qui font constamment tanguer entre vérité et extrapolation, il donne envie, une fois son dernier effort refermé, de se replonger fiévreusement dans l'oeuvre d'origine pour vérifier, pour confirmer, pour remettre en perspective. Et confirmer que Le Petit Prince et son auteur ne font bel et bien qu'un.
Behind_the_Mask, à livre ouvert.