Femme et noire dans un monde macho et raciste - le mérite incarné

Critique initialement publiée sur mon blog PAIETAPAL!


Je me rends compte que, l’air de rien, ma bibliothèque se remplit – et continuera à se remplir – de récits et biographies consacrés aux femmes et aux minorités. Ce n’est pas une volonté de ma part, je me laisse porter par les sujets qui font l’actualité du moment, qui renvoient aux questions de la société dans laquelle on vit. Cette fois, je touche à un triple thème : une femme, noire, à l’époque de la ségrégation aux USA.


Katherine Johnson est l’une de ces femmes dont l’Histoire aurait pu oublier de mentionner le nom, mais que des éditeurs et écrivains se sont employés à mettre à l’honneur. Mathématicienne de génie, elle a participé au programme spatial américain, après un long parcours scolaire et professionnel, autant que personnel. Elle a remporté victoire sur victoire jusqu’à gagner la reconnaissance de ses pairs, ce qui n’était pas une mince affaire à une époque où la misogynie et le racisme faisaient partie de la culture.


Ce livre est intéressant pour dessiner une époque, et même plusieurs si l’on considère les changements sociétaux auxquels a assisté Katherine Johnson, de son enfance jusqu’au programme Apollo. Il est également pertinent dans sa mise en lumière d’une femme de l’ombre, inconnue du grand public – en Europe du moins, j’ignore ce qu’il en est aux USA — jusqu’à sa mise en lumière par Barack Obama récemment. J’en ai appris beaucoup sur les conditions des noirs dans les états ségrégués – ce qui m’a renvoyé à Forest Gump, petit détour dans les états du sud – sujet sur lequel je suis presque totalement novice. Il constitue une porte d’entrée pour qui s’intéresse à la personne comme à l’époque… mais c’est tout.


Je n’ai pas été emballé plus que ça, et ça me peine de l’écrire. J’ai placé la barre trop haut, encore une fois. Je me fais toujours piéger. Pour autant que je me souvienne, c’est la première fois que je m’attaque à une biographie romancée, et je n’aime pas ce genre. J’aime lire des récits, des mémoires et des biographies qui sont autant de témoignages basés sur des faits et qui épargnent au lecteur les fioritures du roman. J’aime quand le récit est direct, simple, efficace.
De plus, avec Combien de pas…, je me suis heurté à un vrai problème : la vie de Katherine Johnson est globalement très survolée. Des évènements ponctuels – liés ou non entre eux d’un chapitre à l’autre – servent de base à un épisode romancé, et offrent au lecteur un aperçu de la vie de la mathématicienne, mais cela reste très superficiel. Le fait que l’écriture se soit faite sur la base d’une documentation, avec ce que ça suppose d’extrapolation concernant la vie privée du personnage, rend le tout assez creux. Pour moi qui suis friand de détails, d’anecdotes porteuses de sens, de pensées personnelles couchées sur le papier, je n’ai rien eu à me mettre sous la dent. Je ne sais pas ce que pensait sincèrement Katherine Johnson, et en quoi tel succès ou telle déconvenue a influencé sa mentalité. Une construction de personnage est à l’opposé d’un témoignage de première main. Je ne suis pas client.


Il semble que le livre soit orienté jeunesse, et le style de l’auteur tend à le confirmer. Simple, limpide, il ne mobilise aucun vocabulaire particulier et ne se perd pas dans des phrases complexes. Et vraiment, je n’arrive pas à apprécier la littérature jeunesse, du moins telle qu’elle se présente de nos jours. Pour donner un exemple, j’aime le style de Jules Vernes, riche et pourtant destiné à un public jeune. J’aime également la manière d’écrire de Simone de Beauvoir dans ses mémoires, avec des constructions parfois complexes et très précises. La simplicité ne me plaît pas, et je ne sais pas qui s’est dit que faire simple et insipide allait aider la jeunesse à aimer les livres. Il y a des jeunes qui avalent les écrits de Tolkien sans sourciller, et pourtant ceux qui ont lu ne serait-ce que le premier tome du Seigneur des Anneaux savent à quel point c’est LOURD. Bref.


Les +


Accessible à tous les lecteurs
Sympa comme porte d’entrée vers un ouvrage plus pointu

Les —


Le style « jeunesse » de l’auteure
le côté très survolé et creux

C’est vraiment dommage, je n’ai pas envie de dire du mal de ce livre. Je ne dois pas être le lecteur visé, le public idéal. Je le conseillerais volontiers à des collégiens ou lycéens qui sont curieux, mais pas à un public exigeant – pas que les jeunes soient trop stupides pour apprécier autre chose, hein, je n’ai pas dit ça !


Cela dit, je dois remercier l’auteure pour une chose : elle a ravivé ma curiosité ! Je suivais de près les programmes spatiaux jusqu’à emménager à Paris, et j’ai perdu tout ça de vue. Je crois que je vais m’y remettre !

LukeSama
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le 25 avr. 2020

Critique lue 174 fois

Luke Sama

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