Voilà un livre sympathique pour tous les amoureux de Luchini. (Un emploi de la langue plus précis devrait toutefois m'obliger à parler "d'amoureuses" ; certainement un gros succès chez les femmes, comme lui a dit son éditeur ou je ne sais plus qui.)
Après, une fois dissipée toute la sympathie qu'on peut avoir pour ce personnage fantastique, exceptionnel - j'en passe - , il subsiste en effet des passages qui prêtent à sourire, qui nous donnent des vues intéressantes. Parler de biographie est peut-être exagéré pour ce livre : Fabrice Luchini y développe essentiellement son rapport aux auteurs qu'il admire, et ne dissémine qu'ici ou là quelques anecdotes autobiographiques. C'est cool.
J'avoue que je l'ai surtout acheté par curiosité : je voulais me faire une idée de ce qu'est capable de donner Luchini sur papier, une fois défait de sa voix, cette voix si singulière et géniale. Le résultat est tout aussi surprenant qu'il ne l'est pas : on oscille entre des passages d'une étonnante banalité, d'une fadeur digne des magazines féminins les plus ordinaires, et d'autres qui tout à coup apparaissent d'une puissance formidable. On est toujours dans l'oralité, mais on sent que c'est pas du Céline ; la parole est plutôt conversationnelle. En cela je qualifierais presque ce livre de verbatim des pensées de Luchini. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il a fait preuve d'écriture automatique, je n'en sais rien, mais disons que ce n'est sans doute pas très "travaillé", que ce n'est guère stylisé. C'est la comparaison qui sauve tout ; même quand la parole devient quelques temps ordinaire, autre chose filtre, un trait d'esprit, une vision étonnante. C'est amusant. En cela ça se lit facilement ; chacun semble y trouver son compte. Il cite beaucoup ; il vulgarise beaucoup ; il arrive à vulgariser, ce qui n'est pas rien, surtout du Nietzsche.
Ceci dit, le dernier chapitre est vraiment cool. C'est sans doute le plus autobiographique, et le plus fin.
S'il voulait, je suis sûr qu'il pourrait pondre une littérature plutôt intéressante. Il y a quelque chose ; sa cervelle produit singulièrement des comparaisons surprenantes et fantaisistes ; c'est parfois le signe de grands esprits. Ça ne veut pas tout dire mais voilà, ça dit quelque chose.
Je reviens encore sur l'aspect autobiographique du livre : n'espérez pas apprendre grand-chose sur la vie de Luchini en lisant ce bouquin, dans le cas où vous auriez déjà vu la plupart de ses passages télé. Le maillot de Marlène Jobert, l'accès à Joe Dassin, etc. : c'est un peu ce qu'il raconte quand il fait le bon client des médias ; il n'en dit pas tellement plus. C'est surtout son rapport à la littérature qu'il développe.
Après, enfin, enfin, pour finir, à titre personnel, je ne considère pas ce livre comme un ouvrage très essentiel, ni littérairement (mais ce n'était pas le but, donc peu importe), ni par rapport à Luchini. J'ai le sentiment qu'il se confesse tout aussi bien à la télévision ou à la radio. Il aurait monologué dans sa loge et écrit ses curieux soliloques que cela ne m'étonnerait pas. Mais c'est bien, c'est cool.
Je suis emmerdé pour attribuer une note, j'aimerais mieux ne pas en donner mais il en faut une pour publier la critique. Je mets un 7 très arbitraire. Ça ne vaut pas plus, ça ne vaut pas moins, ça ne vaut pas 7 non plus. J'aurais trop de réticences à mettre moins et à faire chuter la moyenne du bouquin, tout comme ça serait surcharger sa valeur que d'aller lui taper un 9 ou un 10. 7, voilà, mais ça m'emmerde quand même. Tant pis.