‘Comédies françaises’, roman signé Éric Reinhardt relève davantage de l’escroquerie que de la comédie. Sa quatrième de couverture nous annonce une enquête journalistique, que l’on suppose pointue, prenant pour cible un puissant industriel ayant, in fine, volé l’invention d’internet aux français. Ah, ces français qui ont fait la France et qui rêvent qu’ils auraient pu faire le monde ! En fait, cette histoire alambiquée, vraie selon certaines sources, d’une décision Giscardienne sous l’influence de ce lobbyiste ne prend que quelques pages et ne commence qu’après la moitié du bouquin. Trahison !
Le vrai pourquoi du livre serait plutôt la vie de Dimitri. Héros de nos jours ? Peut-être. Mais héros, certainement pas. Plutôt copie conforme d’une franche de la population qui ne s’émerveille que du cosmétique, rêve d’avenir mais ne croit pas au bienfondé de l’effort, du travail assidu et de la construction d’une vie. Comme de toute manière, selon eux, elle est pourrie, autant s’en remettre au hasard et tenter de le forcer un peu. Jeunesse d’aujourd’hui ? Probablement. Triste !
Car derrière le personnage de Dimitri, jeune journaliste quasi sans expérience et sans ambition réelle, il n’y a qu’un petit frimeur à la française, à l’esprit aussi gros qu’un petit pois et aux façons grossières, manquant de tout tact et de respect d’autrui. Hé oui, la liberté de paroles cache souvent une méconnaissance d’un savoir-vivre élémentaire plus qu’elle ne promeut une liberté à laquelle on ne croit plus guère. Mais il a de l’entregent, notre Dimitri. Il parade, minaude, joue l’imbécile (pas trop compliqué pour lui, semble-t-il) et passe presque toujours entre les mailles du filet protecteur que ses ami(e)s et patron tissent autour de lui. Bref, un personnage qui n’a que le triste mérite d’exister et qui, de plus, est assez tordu pour ne pas s’en rendre compte. Plausible ? De nos jours, assurément. Désespérant !
Dimitri, au long des pages et des pages, va donc faire une fixette sur des possibles coups de foudre, une fille puis l’autre. Des rencontres impromptues au coin d’une rue, dans un café, un théâtre et, toujours, notre bête s’anime, flaire la rencontre de sa vie. Tout en défendant l’idée que le hasard est prépondérant pour forger une vie, notre plumitif va multiplier les tentatives d’organisation du hasard espérant enfin trouver bonne fortune. Navrant !
Avec la déclaration d’un scoop à paraître à travers l’écriture d’un livre dans lequel Dimitri confondrait Giscard et ses lobbyistes, avec pour cerise sur le gâteau, la réhabilitation de la France comme géniteur d’internet, le récit s’englue dans la vie puérile, décalée, fantasque, inopérante de ce journaliste. Même si c’est là un reflet peu déformé de notre société, l’auteur devait trouver une pirouette pour en sortir. Bien sûr, avec le métier qu’Éric Reinhardt possède, cela ne fut pas compliqué. Et, dans l’art, l’auteur boucle son récit par l’annonce faite dès la première page. Déjà vu, mais pas mal tout de même. Rassurant !
Si le récit ne m’a pas semblé nourricier en termes d’humanité à promouvoir, l’écriture de Reinhardt est bien la sienne. Avec de longues énumérations de références culturelles, manifestement c’est un homme érudit ou disposant du verni pour le faire croire. Il utilise volontiers les répétitions des conteurs mais sans magnifier la suite par une chute, un changement d’axe, de cap ou même d’idée. Pour exemple :
P. 66-68 : Il avait vu les spectacles de Romeo Castellucci. Il avait vu les spectacles de Christoph Marthaler. Il avait vu les spectacles de Krzystof Warlikowski. […Je vous passe les 65 lignes suivantes de la même structure pour le laisser conclure…] Il avait passé énormément de temps dans les salles de spectacle. Trop de références littéraires ou artistiques nuit à l’avancée dans la lecture. Pédant !
Un autre artifice dont l’auteur use et abuse est la mise en parenthèses. Quasi pas une page du livre sans une, voire plusieurs parenthèses qui coupent le récit, parfois sans aucunement alimenter la réflexion du lecteur. Enervant !
D’autant plus regrettable qu’à plusieurs endroits du récit, l’auteur se montre fine plume, j’insiste, très fine plume, touchant juste et décrivant à la perfection les mutations en cours au sein de notre société. Cela aurait pu être tellement enivrant !
Il me reste, même si ma chronique est un peu amère, le plaisir d’avoir lu ce livre, vraiment ! D’y avoir pointé l’une ou l’autre belle source de réflexion et m’être bercé du rythme et de l’à propos de quelques beaux passages d’une écriture subtile capable de faire briller notre belle langue française. J’oublie le reste et garde le meilleur.
Merci à Babelio et aux Editions Gallimard de m’avoir accordé leur confiance en m’offrant ce roman de la Rentrée 2020.