Le point de départ consistant à confronter à distance un assistant parlementaire à une hackeuse vous interpelle déjà. Antoine et L paraissent à des antipodes l’un de l’autre, de part leurs sphères privées, leurs milieux sociaux et leurs préoccupations personnelles. Pourtant, le découpage habile d’Alice Zeniter(où l’écrivaine consacre des parties au jeune homme puis à la jeune femme avant de les réunir) montre que leurs destinées au service d’un engagement bien particulier ne sont pas si dissonantes. L et Antoine, êtres réfléchis et sensibles, ne foncent pas aussi tête dans le guidon, et leurs questionnements si humains face à leurs moments de vie vous donne vraiment envie de les suivre.Comme le contexte temporel ( le roman commençant en Décembre 2018, en plein essor du mouvement des Gilets jaunes), pas besoin d’un grand effort d’immersion pour se replonger dans cette période.Alice Zeniter réussit avec un grand talent de brodeuse, à animer son récit pour que ses personnages principaux soient traités sur un ferme pied d’égalité. Tout ce qui se passe chez L ou Antoine est aussi intéressant et l’écrivaine à la bonne idée qu’aucun des deux ne prenne l’ascendant sur l’autre dans les évocations avant leur propre rencontre chez une amie commune.Le lecteur est autant sidéré par les relations d’Antoine avec son député et ses collègues assistants parlementaires que par les péripéties de L pour gagner sa vie grâce à du dépannage informatique tout en continuant sa lutte dans le « dedans » ( dont la définition s’étend des forums sur sites dédiés au dark net).Elle finira par perdre pied entre le réel et le virtuel comme beaucoup de jeunes de sa génération.La prise d’air, de Comme un empire dans un empire, ce sera la Bretagne, où les personnages se ressaisissent et lâchent prise. La Vieille Ferme de l’ami Xavier représentant le lieu alternatif pour oublier l’agitation du monde moderne et se sentir exister.J’ai beaucoup aimé le questionnement d’Antoine sur son envie d’écrire sur Capa et Taro ( un couple photographe du début du vingtième siècle dont l’art et l’engagement quasi anarchiste le fascinent) mais sa conscience que ce jardin secret est en complète inadéquation avec sa mission politique. J’ai aussi apprécié l’approche de L face à son propre corps et la manière dont elle arrive finalement à se libérer de certaines de ses chaînes.Et comme un pied de nez à son roman,Alice Zeniter découpe ses parties comme l’aurait envisagé Antoine quand il rend visite à un éditeur avec le réseau de son député.Je constate avec admiration que la jeunesse d’Alice Zeniter lui permet aussi de trouver des focales narratives inédites et fortes à propos.Elle en fait un atout pour éviter l’écueil d’un certain académisme littéraire et cela est tellement réjouissant.J’ai juste adoré passé du temps sur ce roman construit, habité et percutant et ne peux que vous inciter à le lire. Ce sera tout sauf une perte de temps!