Comme beaucoup, j’ai tout gagné en découvrant Alice Zeniter avec L’art de perdre, voilà trois ans, déjà. Aussi, quand j’ai vu son nom apparaître à nouveau sur les écrans de la rentrée ma souris n’a pas eu une nanoseconde d’hésitation, le téléchargement s’est effectué avant d’avoir fini de lire la quatrième de couverture !
Et voilà qu’il s'appelle Antoine. Qu’elle se fait appeler L. Il est assistant parlementaire, elle est hackeuse. Le roman commence à l'hiver 2019 (Cf. 4° de couv.). Antoine sent la défiance monter à l'égard des politiciens et commencer à déteindre sur lui. Il s'échappe en rêvant d'écrire un roman. L vient d'assister à l'arrestation de son compagnon, accusé d'avoir piraté une société de surveillance. Bien qu’étant sur deux planètes différentes, Antoine et L vont-t-il se rencontrer, pour continuer le combat ?
Alice, Alice, où es-tu allée les chercher, ces deux-là ?
Alice Zeniter, née d'un père d'origine algérienne (kabyle) et d'une mère française, a grandi à Champfleur, dans la Sarthe, jusqu’à ses 17 ans, et a suivi une partie de son parcours scolaire à Alençon, dans l'Orne. Elle a publié son premier roman, Deux moins un égal zéro, à 16 ans. De 2006 à 2011, elle est élève à l'École normale supérieure, rue d'Ulm. Elle enseigne le français en Hongrie puis, en 2013, elle est chargée d'enseignement à l'université Sorbonne Nouvelle.
En 2010 parait Jusque dans nos bras. Puis Sombre Dimanche en 2013 (Prix du Livre Inter 2013), Juste avant l'oubli en 2015 (Prix Renaudot des lycéens 2015) et L'Art de perdre éditions 2017 (Prix Goncourt des lycéens 2017 - Prix littéraire du Monde 2017 - Prix Landerneau des lecteurs 2017…)
Comme un empire dans un empire, est son sixième roman.
Un roman d'engagement, nous dit-on. Sans doute. Mais certainement un roman ancré dans notre temps, criant de vérité de vie et d’humanité.
Un empire dans un empire, une dualité de mondes, des empires jumeaux… L se partage entre le dehors (la "viandosphère") et le dedans, ce monde mystérieux des hackeurs. Avec quelle maestria l’auteure nous décrit cet univers-là ! Sans aucun doute a-t-elle dû hacker toute sa vie ! C’est un étrange sentiment de spéléologue qui s’empare du lecteur lorsqu’il avance à tâtons dans les méandres des galeries souterraines et interlopes de cet univers obscur et mystérieux au vocabulaire si incompréhensible que seuls les initiés sont capables de le maîtriser comme des officiants de sectes ténébreuses.
Et dans ce labyrinthe impénétrable et menaçant L est chez elle, et lorsqu’on lui demande : « Pourquoi tu fais ça ? – C’est un reproche ? – Non, de la curiosité. Je me demande ce qui pousse une jeune fille comme toi à se plonger dans les ordinateurs. – Si je faisais du piano, personne ne m’emmerderait à savoir pourquoi je fais du piano... »
Mais Alice nous dévoile bien d’autres mondes, soupçonnés ou justes pressentis comme celui, équivoque, qui hante le palais Bourbon avec ses compromissions, ses arrangements et autres conciliations.
C’est avec une plume acérée qu’elle rend compte de notre époque et de ses soubresauts… ainsi, comme si on y était, la grande manif des gilets jaunes du 16 mars sur les Champs-Élysées, tout y est, pavés, lacrymo, canons à eau, CRS… Antoine s’y trouve presque mêlé… Oh là ! Qu’est-ce qui se passe ! Y a un problème, là ! On a bien dit que le bouquin commençait fin 2019 ? Donc le 16 mars, c’est en 2020 ! En pleine pandémie, à la veille du confinement ! En plus le 16 mars est un lundi, pas de manif de gilets jaunes. C’est l’éditeur qui s’est trompé sur la quatrième ? J’ai repris le premier chapitre où Alice nous présente Antoine, à la fin du chapitre, elle lui fait dire « Il faut que quelque chose change, se répétait-il à l’automne 2019… » C’est donc bien l’auteure qui s’est trompée d’un an en écrivant 2019 au lieu de 2018. Erreur reprise par l’éditeur.
Désolé, Alice. J’ai une formation littéraire rudimentaire, voire inexistante. Je l’ai dit et redit, je suis d’abord un technicien qui aime lire, certainement trop rigoureux et pointilleux sur des détails qui peuvent paraître insignifiants aux amoureux des qualités littéraires. Il y a dans, ce livre, de nombreuses pages que j’ai trouvées superbes et judicieuses, mais persuadé qu’on était en 2020, en mars, puis en avril, j’ai attendu en vain les effets du confinement, ce n’était pas possible que l’on passe à côté… Alors, cette erreur de « l’automne 2019 », ce n’est pas possible que personne ne l’ait vue !
PS : Je vois que je vais collectionner les avis défavorables, avec ce commentaire. Cela ne m’étonne pas. Mes "Amis Littéraires" n’apprécient pas que je puisse m’attacher à un détail pareil, qui n’est, somme toute, qu’une faute de frappe. Car il n’y a que ça qui m’insupporte : 2019 à la place de 2018 ! Sinon, j’aurais attribué six ou sept étoiles. Mais ça m’est impossible, trente années de rigueur en bureau d’études m’ont forcé à être pointilleux (à moins que ce soit l’inverse : c’est parce j’étais rigoureux que j’ai pu faire ce métier). La seule fois où nous ne l’avons pas été assez ça s’est soldé par l’explosion du premier vol d’Ariane V. OK, un livre n’est pas une fusée… Mais il y a tant de monde qui gravite autour d’un ouvrage, correcteur, lecteur, éditeur, imprimeur, éditeur numérique… et personne ne s’en serait aperçu ? Et dans un livre qui veut coller au plus près de l’époque et de l’actualité, ça n’aurait aucune importance ?... Pensez ce que vous voudrez, je ne peux pas l’ignorer.