Il y a un projet intéressant derrière ce roman qui n'est pourtant pas très réussi. On voit bien combien Olivia de Lamberterie a voulu traduire la charge mentale d'une femme à la cinquantaine. En tant que femme de la cinquantaine, ce thème m'intéressait. Il y a en effet, ces derniers temps un certain nombre d'efforts pour nous donner plus de visibilité dans un monde culturel qui valorise l'existence des femmes plus jeunes, car à l'approche de la cinquantaine, voire à la cinquantaine bien sonnée et au delà, ce sont traditionnellement plutôt les hommes qui ont les beaux rôles. Je pense notamment au succès de Chloé Delaume avec Le Coeur synthétique.
Ici la romancière a essayé de traduire stylistiquement cette charge mentale, en précipitant son héroïne "working-girl" senior, mère de trois enfants, qui vient d'apprendre l'adultère de son mari, dans l'amoncellement des contraintes professionnelles et familiales, des activités, des relations amicales, associatives, littéraires dans le tourbillon d'une journée ... On sent que le milieu bourgeois de l'élite culturelle (l'héroïne est éditrice) est bien connu de la romancière, que la réalité racontée est proche de la sienne, ce qui donne aussi de la valeur au roman, tout autant qu'il le restreint sociologiquement, comme ces films français qui se passent dans ces milieux très parisiens en pensant que parce que c'est le milieu des réalisateurs, c'est le centre du monde.
L'effet produit est bien la noyade de l'héroïne dans son quotidien, mais c'est aussi un peu celle du lecteur dans le roman, car il a du mal à trouver une forme de tension narrative dans ce récit, même si cette histoire d'adultère, d'unité de temps de la journée- puisqu'il faut résoudre le problème de l'infidélité du mari et organiser un repas de famille le même jour- devrait permettre de trouver un fil dans cette histoire. On apprécie (et ça c'est parce que c'est un thème qui m'intéresse au delà de la lecture de ce roman) l'insertion des messages téléphoniques ou des mails dans le récit du quotidien avec le "Cling" qui les annonce de façon abrupte.
Je ne peux m'empêcher de penser que ce livre aurait pu être bien plus réussi: peut-être en faisant de l'héroïne un personnage qui aurait plus de profondeur psychologique... Il y a une hésitation dans le statut de ce livre, entre une performance littéraire (écrire la charge mentale) et un livre "feel-good" pour la ménagère cultivée et lectrice de plus de cinquante ans, qui pourrait y trouver une forme de consolation comme à la lecture du magazine Elle, avec un récit qui lui permettrait un accès à un milieu privilégié.
On pourrait tenter une réécriture de ce livre, dans un milieu moins surreprésenté littérairement que la bulle parisienne du milieu de l'édition, et qui raconte davantage le "vrai monde" des Françaises de 50 ans. Pauvre éditrice à succès, qui a un mari infidèle mais si brillant et gentil quand même, et qui a des enfants trop chouettes, un boulot passionnant, comment va-t-elle faire ? Le challenge est limité... même si le livre se lit jusqu'au bout.