Attiré par la culture nippone et tout frais diplômé de japonais au milieu des années 90, l’auteur décroche une bourse gouvernementale, puis un poste dans un groupe de presse français désireux de percer là-bas. Il a vingt ans et, entre rythme de travail insensé, sorties alcoolisées le soir avec les collègues et premières fréquentations amoureuses, s’efforce tant bien que mal de s’acclimater aux codes et aux subtilités qui régissent le pays, lorsque, coup de théâtre, on lui propose de servir d’interprète à l’entraîneur de l’équipe nationale de football, le Français Philippe Troussier. Dès lors, tout s’emballe : très exposé médiatiquement, il devient la coqueluche des publicitaires, se retrouve l’un des Français les plus connus au Japon – juste derrière Carlos Ghosn, Philippe Troussier et Jean Reno –, rencontre même l’impératrice, et, après la Coupe du Monde de 2002, devient journaliste sportif à la télévision japonaise.
Tout se passe donc dans le meilleur des mondes pour le jeune homme devenu le plus japonais des Français. Marié à une Japonaise, il a adopté une conception japonaise de l'existence. Son épouse ayant opté pour une carrière, le couple, comme il est de règle dans ce cas au Japon, n’aura pas d’enfant pour pouvoir tenir le rythme effréné du travail. Les années passent, surviennent la crise des subprimes en 2008, puis la catastrophe de Fukushima en 2011. Le récit poursuit son calme cheminement au milieu des péripéties les plus échevelées, dévoilant les réalités concrètes de la vie quotidienne au Japon, le peu d’ouverture du pays, la place réservée aux femmes, le terrible rapport au travail, le désarroi des jeunes générations.
Mais, déjà largement placée sous le signe de l’inattendu, la vie de Florent Dabadie ne lui a pas encore livré toutes ses surprises. Après trente ans au Japon et bien des obstacles franchis pour son intégration – en fait, s’intègre-t-on jamais vraiment au Japon lorsqu’on est étranger ? – , il lui faudra réaliser qu’il est quand même finalement temps de rentrer, faute d’assumer une éclipse professionnelle aussi brutale que son ascension fut fulgurante. Passé cinquante ans au Japon, l’on est souvent balayé des entreprises vers des fonctions plus subalternes…
Racontée avec simplicité sur un ton calme et distancié qui s’étonne presque encore du chemin parcouru, l’expérience de Florent Dabadie est extraordinaire à plus d’un titre et sa lecture fort divertissante. En référence à Amélie Nothomb, son récit aurait pu s’intituler « Stupeur et Emballement »…
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