Paul Veyne est mort dans une certaine indifférence, mais son œuvre continue de soutenir, comme une charpente, de vastes pans de la discipline historique contemporaine. Incarnation scientifique et médiatique de ce que fut l’école historique française dans la seconde moitié du XXe siècle, Paul Veyne fut un homme engagé (contre la torture, pour la préservation des monuments du Moyen-Orient, menacés par le radicalisme islamiste…), mais aussi un formidable vulgarisateur de l’histoire comme discipline scientifique et porte d’ouverture sur le monde et les hommes.
Dans son contexte historique, Comment on écrit l'histoire rompait au moment de sa publication (1971) avec le marxisme historique dominant. Veyne proposait alors une lecture de l’événement comme objet non conceptuel, éloigné de toute perspective structuraliste.
Quelle joie, quel plaisir sans cesse renouvelé, page après page, que de lire le verbe chaleureux de Veyne nous emmener sur les chemins d’une histoire comme discipline se suffisant à elle-même, chaque événement étant pensé comme un artefact particulier et complexe sur lequel le regard de l’historien doit permettre un éclairage rétrospectif, une fois décodée son « intrigue ».
Veyne était à pas mal d’égards un original au sein d’une communauté d’historiens attachés à faire en sorte que leur discipline fût considérée à égalité avec les sciences « dures ». Il incarnait cette forme d’humilité propre aux humanistes de l’ancien temps, dotés d’un savoir encyclopédique et néanmoins conscients des limites du regard qu’ils portaient sur le monde ; regard tributaire du temps et de la finitude de leur propre vie.