Nettement moins sociologique que Leurs enfants après eux, Connemara s’attache cependant à décrire une rencontre sur le tard entre un homme et une femme dont les points communs du passé n’effacent en rien les points de divergence de leur présent. En utilisant à nouveau sa marque de fabrique, soit une narration fragmentée sur Hélène ou Christophe entre passé et présent , Nicolas Mathieu peut faire croire qu’il nous remet en territoire connu. Or, il n’en est rien. La grande force de Connemara, c’est l’exploration psychologique plus poussée de ses personnages principaux, dont les choix de vie sont motivés par leurs caractères ( soit un paisible sans réel ambition que le hockey sur glace et ses copains pour Christophe opposé à une Hélène trop à l’étroit dans son milieu social, intelligente, et voulant avancer dans sa carrière et dans sa vie privée). Et pourtant, la rencontre de ces deux-là a lieu pour une raison bien précise, en disant vraiment long sur la position d’Hélène face à son passé d’adolescente pas complètement digéré et sur un elle-même qui va éclore et la bouleverser malgré la force qu’elle veut afficher.Nicolas Mathieu, en repensant ses effets, en choisissant une observation plus sensible des personnages ( quitte à aller dans des scènes beaucoup plus charnelles car le sexe est véritablement l’unique partage entre Hélène et Christophe), relègue le sociétal et c’est mieux! Les personnages secondaires ont aussi gagné en épaisseur à l’image de Lison ( la collègue d’Hélène n’ayant pas froid aux yeux) ou de Gérard Marchal ( le père de Christophe) pour ne citer qu’eux. En étant féroce sur la condition humaine dans une entreprise ou dans un mariage de gens de modeste condition, l’écrivain scrute sans concessions les classes sociales comme il fait de la chanson de Michel Sardou ( Les lacs du Connemara donnant une partie de son nom au titre du livre) un genre de repère commun, de maître étalon pour célébrer l’allégresse où se sentir plus que l’on est vraiment pour le meilleur ou pour le pire. L’épilogue sur le devenir de Christophe et Hélène ne surprend pas et statue sur la parenthèse enchantée révolue car l’expérience avait forcément ses limites. Je ne suis pas sûr que Connemara aurait figuré sur une liste arrêtée de Goncourtrisables , et c’est un constat plutôt bon, car la qualité en littérature c’est de ne pas trop marcher sur des chemins consensuels ou balisés.