Ils viennent tous les deux du même bled de l’Est, lui était bon joueur de hockey dans sa jeunesse, elle, une élève brillante n’aspirant qu’à quitter un quotidien trop terne… Il est devenu vendeur de croquettes pour chiens et elle, cadre dans une boîte de consulting… Ils ont la quarantaine… Ne sont pas franchement heureux ou du moins s’attendaient à autre chose de la vie... Alors, ils vont se retrouver, par hasard… C’est l’occas’ … Reste qu’ils n’ont pas grand-chose à se dire dans le fond… Heureusement, il y a les corps… C’est pas mal, les corps... Mais ça suffit pas.
Bon, on ne va pas y aller par quatre chemins, il y a du Flaubert chez Mathieu (waouh, l’immense compliment …) Ces grandes scènes, si justes, si vraies, si géniales, ces passages où l’on se dit : c’est exactement ça. Du petit lait...
Tiens, quatre scènes me reviennent en mémoire. Pourquoi celles-ci ? Je n’en sais rien. Sinon qu’elles sont d’une vérité absolue. C’est l’amant, Christophe, qui dit à sa maîtresse Hélène, après qu’ils ont fait l’amour dans une chambre d’hôtel, quelque chose comme : « tu ne vas pas fumer là, c’est interdit.» Juste ces mots. Ces mots-là. Et l’on sait que ça ne pourra pas durer entre eux. On sait que c’est fini. Ils peuvent toujours continuer, c’est mort, ça ne peut pas marcher. Rien n’y fera. Le truc à ne pas dire, les mots de trop, ceux qu’Hélène, la transfuge de classe, la bourgeoise, ne peut pas entendre. Et lui ne le sait pas, ça. Lui qui est resté où il est né, dans la même zone pavillonnaire ou pas très loin, avec les mêmes potes qui, comme des gosses, jouent le soir avec leur arme artisanale dans le jardin sous des parasols au gaz qui chauffent à plein pot et des enceintes en équilibre qui braillent. Ils picolent et se marrent. Quelle scène, celle-ci aussi ! Il y a une vérité ici rarement atteinte. Une peinture des classes sociales tellement juste et, en même temps, jamais méprisante. On y sent le regard bienveillant de l’auteur pour ce monde ouvrier où l’on donne sans compter, où l’on ne fait pas semblant, où l’on ne connaît pas les codes. On se fout de la façon dont on doit se tenir et l’on se bidonne vraiment.
Une autre scène, plus discrète, celle de la visite de Christophe au père Müller qui élève ses dogues du Tibet : une scène parfaite. Il ne s’y passe pas grand-chose et c’est précisément ce qui la rend incroyable. Les regards, les silences, les gestes...
Je repense aussi à la scène finale, l’extraordinaire scène finale du mariage où là, franchement, on touche au sublime, c’est le feu d’artifice, ça pète dans tous les sens, c’est l’explosion. Et c’est génial, absolument génial.
Et tous ces détails, ces petites choses de la vie qu’on voit sans voir, qu’on fait sans y penser. Tout est là, si juste, si vrai… Quelle perspicacité, quelle acuité dans le regard de l’auteur, quel don d’observation et de restitution incroyable.
Allez, peut-être qu’un peu resserré par-ci par-là (pas grand-chose hein...), le texte gagnerait encore davantage en force, en puissance. Mais peut-être, j’ai dit peut-être !
Bref, je ne vous ai pas dit grand-chose sur Hélène ou Christophe. Ils ont de vous, de moi, des autres…
Vous lirez et vous me direz...
Ce bouquin, c’est de la vie en barre. Allez-y...
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