Je devrais être dégoûtée, mais pourtant... je suis plutôt captivée!

Ce livre n'est pas nouveau, mais ce n'est que récemment que je l'ai lu et que j'ai découvert l'auteur. Depuis, je n'ai que chercher à lire plus d'ouvrages de Charles Bukowski.

Recueillant une vingtaine de nouvelles courtes et percutantes, Charles Bukowski nous dépeint sans fard la vie des marginaux. À travers des récits sur le sexisme, la misère quotidienne, la violence et le désespoir, il explore des années d'errance dans les bas-fonds de l'Amérique. Dans un style cru et sans concession, l'auteur nous plonge dans l'univers sombre des bars et des chambres d'hôtel miteux, où l'alcool et la pauvreté règnent en maîtres. Mais au milieu de cette désolation, l'amour, l'affection et l'amitié trouvent leur place, défiant les normes sociales avec une sincérité déconcertante.

Le livre ne fait pas l'unanimité, et je comprends pourquoi. Vulgaire, sans retenue ni pudeur, on pourrait n'y voir que le vomi des aventures baissières, alcoolisées et autodestructrices de Bukowski (Hank, le héros de la plupart des nouvelles, étant Bukowski lui-même). Imprégnées d'une atmosphère noire de crasse, de bile et de sentiments impies, ces histoires nous racontent la sale vie de cet écrivain provocateur et subversif.

Le titre est tellement grossier qu'il n'a pas été toléré pour la version française. En effet, la version originale anglaise s'intitule « Erection, Ejaculation, Exhibitions, and General Tales of Ordinary Madness » alors qu'en français nous l'avons simplifié pour « Contes de la folie ordinaire », qui omet de mentionner l'érection et l'éjaculation, termes bien trop scandaleux semble-t-il. C'est pourquoi j'ai d'abord été surpris de lire à quel point il y était question de sexe. J'ai mieux compris en voyant le titre original en anglais.

C'est tellement grossier !

Oui, c'est vulgaire. Oui, il y a des passages choquants. Mais pour moi, ce n'est pas une raison pour arrêter de lire ou pour ne pas aimer. Bien sûr, il faut aimer l'humour noir, l'ironie, l'insolite. Délibérément décalé, le livre est presque une farce burlesque, tant il pousse le ridicule et le grotesque des situations.

Quand on le lit, on est secoué. Je crois que parfois, pour faire réfléchir, il faut secouer les mentalités, et c'est exactement ce que fait Charles Bukowski. Il nous parle de la folie, de la folie de la vie ordinaire, de la folie d'un tas de gens qui passent leurs journées à essayer de survivre, du mieux qu'ils peuvent, et... ces gens existent. Ils existaient dans les années 1970, et ils existent encore aujourd'hui. Il nous raconte ces histoires folles de fêtes, de choses sales, de saletés, d'hommes gros, laids, sales, vicieux, alcooliques, de femmes dévergondées, prostituées, laides, droguées, et c'est choquant parce que cela nous renvoie une certaine réalité en pleine figure.

Ils / nous - sommes fous

J'aime le concept de folie ordinaire. La folie quotidienne de chacun d'entre nous. Cette folie sociétale qui est réprimée, niée, que nous essayons d'éradiquer, mais qui finit toujours par déborder et refaire surface. Cette folie que l'on ne peut guérir parce qu'elle fait partie de l'être humain. Cette folie profonde émane de notre côté animal encore présent car nous oublions que l'homme n'est qu'un mammifère, glabre et doté d'un gros cerveau, certes. C'est la folie de nos instincts primaires, de nos peurs, de nos angoisses. La folie de la vie, de naître humain, de simplement respirer.

Quand on pense que ces histoires sont réellement arrivées et ont été vécues par Bukowski, on se rend compte qu'il faut beaucoup de culot pour faire ce genre de choses et les raconter. Beaucoup y pensent, certains le font, mais aucun ne le raconte. Sans fausse pudeur, Bukowski ose, avec humour et autodérision. Il raconte ce que d'autres embellissent et dissimulent. Et il faut un regard critique pour caractériser un certain segment de la société avec une plume acérée. Et il y parvient. J'ai eu des moments de dégoût, je me suis dit "Mais comment peut-on... ?", et puis, j'ai refermé le livre en me disant que j'avais vraiment aimé le lire. Peut-être est-ce parce que je suis une folle ordinaire ?