Lewis Percy d'Anita Brookner plonge le lecteur dans l'univers émotionnel et intellectuel de Lewis, un personnage central à la fois ordinaire et profondément complexe. Brookner, déjà acclamée pour ses romans mettant en scène la solitude féminine, explore avec brio la vie intérieure d'un homme dans cet ouvrage captivant. Regardons de plus près ce roman de 351 pages, publié en mars 1999 aux éditions du Seuil.
L'histoire suit Lewis Percy depuis ses premières années d'étudiant à Paris, en 1959, jusqu'à la fin de la trentaine, soit seize ans pendant lesquels il reste un inadapté - studieux, dépassé et empêtré dans ses émotions. Au début du roman, il travaille à la rédaction d'une thèse sur le concept de l'héroïsme dans le roman du XIXe siècle, un travail intellectuel qui sert de contrepoids à ses déboires amoureux. La mort soudaine de sa mère le laisse désemparé et il cherche désespérément une compagne pour combler le vide.
Lorsque Lewis rencontre Tissy, une collègue bibliothécaire timide et agoraphobe, il voit en elle une compagne potentielle pour combattre sa propre solitude. Le mariage qui s'ensuit est loin d'être parfait, l'auteure brossant un tableau subtil et nuancé de l'échec conjugal, elle dresse le portrait de deux individus qui restent ensemble, mais demeurent seuls. Des silences pesants et des désaccords inavoués caractérisent leur relation, révélant une distance émotionnelle difficile à surmonter.
Lewis est profondément ancré dans son époque, mais semble en décalage, prisonnier d'une vision romancée du monde qui ne correspond plus à la réalité des années 1980. Anita Brookner évoque avec humour la modernité à travers le personnage d'Arnold Goldsborough, le bibliothécaire en chef obsédé par les tendances académiques du moment.
Le style de Brookner est d'une précision exquise, dévoilant les faiblesses et les défauts de ses personnages avec une subtilité qui suscite l'empathie. Elle explore les complexités des relations humaines avec une intelligence mature, offrant une narration lente, mais captivante qui plonge au plus profond de l'âme de ses personnages.
En considérant Lewis Percy, Brookner semble s'écarter légèrement de ses précédentes explorations de la solitude féminine, embrassant cette fois la perspective masculine. Le résultat est une œuvre qui combine brillamment les qualités de l'introspection psychologique avec une analyse perspicace des dynamiques relationnelles.
Lewis Percy reste une lecture enrichissante, révélant un monde intérieur complexe où l'innocence perdue finit par trouver une forme de rédemption. L'optimisme final marque un départ quelque peu inhabituel pour Brookner, ajoutant une note chaleureuse à cette exploration de la condition humaine.