Critique des Contes et Légendes Inachevées

9/10

Absolument nécessaire pour tous les fans



Chaque année depuis 2020, je lis un Tolkien durant l’été. C’est une petite habitude que j’ai prise, nostalgique de ma découverte du Seigneur des Anneaux et du Hobbit quand j’étais adolescent. Après avoir fini les Trois Contes, j’ai eu le désir de me plonger dans les Contes et Légendes Inachevées. Les Contes et Légendes Inachevées m’apparaissent comme un ouvrage majeur, nécessaire à souhait, tant il cherche à créer de la cohérence et des liens à travers les Âges dans cet univers.

Le style est varié, les propos changent et le travail éditorial rend tout cela accessible.

L’ouvrage est divisé en 4 parties : les trois premières représentent les Âges et la dernière est un ensemble d’essais en lien avec le Troisième Âge. De fait, les deux premiers récits apparaissent aujourd’hui comme de peu d’intérêts puisque l’on peut lire toutes les versions de Gondolin en un seul tome et que l’on n’a pas à souffrir des limitations de cette version des Enfants de Hurin. On notera néanmoins qu’il est intéressant de connaître toutes les versions qui ont existé.

Malgré ce côté répétitif j’ai ici passé un moment absolument incroyable. Cette lecture m’a passionné et m’a rappelé, comme chaque année je me rappelle, pourquoi depuis 4 années désormais, j’ai pris cette habitude puérile qui m’amuse tant.

Je vais donc faire une critique reprenant mes avis des différentes étapes.



L’introduction de Christopher Tolkien présente ce travail, replacé dans son contexte, après le Silmarillion. On sent qu'il se dirige vers L'Histoire de la Terre du Milieu comme quelque chose de très descriptif, mais il revendique encore pour ces tomes antérieurs quelque chose de narratif, une histoire, un récit, tout en précisant bien que celui qui cherche une aventure risque de ne pas trouver dans ces travaux de son père, de quoi se satisfaire sa curiosité.


Il y a aussi une belle réflexion sur le fait que le lecteur curieux peut trouver dans ces nouveaux travaux de quoi satisfaire ses questions, pour le botaniste ce sera sur les plantes, pour le linguiste sur les étymologies, pour le philologue sur les transmissions des textes et globalement pour tout le monde sur le devenir et le passé des personnages.

C'est une introduction très douce où un fils qui a honoré la mémoire de son père, non pas simplement comme un père mais comme un Auteur, décide de ne pas être simplement un Fils mais bien un Lecteur qui fait tâche d'éditeur pour rendre l’œuvre, dans sa globalité, plus accessible.


Christopher Tolkien aussi prévient, avec des décennies d'avance, qu'il faut renoncer à tout comprendre dans cet univers, car rien, absolument rien de ce qui fut publié de manière posthume ne représente réellement une œuvre finie. Nous ne pouvons, au mieux, que nous représenter une partie de l'arrière-monde que l'on a aperçu dans Le Seigneur des Anneaux et le Hobbit.

Mais comme Christopher Tolkien lui-même le souligne : cet aperçu, ce monde partiellement vu et connu est justement à l'image de ce que les personnages eux-mêmes connaissent : des millénaires se sont écoulés, alors pour eux aussi la transmission ne fut que partielle.



De Tuor et de sa venue à Gondolin.

La première chose qui me frappe est que la lecture sous forme de tome complet, dans la nouvelle édition reprenant toutes les versions de Gondolin est véritablement la meilleure lecture pour découvrir ce conte inachevé. En effet, ne pas avoir la fin est ici particulièrement frustrant, bien plus que la version que j'avais déjà lue où l'on avait au moins le plaisir d'avoir fini le récit initial.

Je pense que pour un nouveau lecteur c'est particulièrement frustrant.

Pour moi, par contre, après avoir lu les trois grandes contes du Premier Âge, je trouve que désormais tout se lit mieux, les liens avec Les Enfants de Hurin sont bien plus clairs, bien plus évidents.

Ce sont 40 pages que l'on peut lire d'un coup, que l'on peut enchaîner avec une certaine vitesse dans cette quête gigantesque qui nous font, encore une fois, regretter que le maître n'ait pas terminé ce texte qui, à mon avis, aurait pu atteindre la grandeur du Seigneur des Anneaux.

On est, pour le moment, dans la phase de redécouverte dans mon cas. J'étais curieux de mon ressenti : je sens combien la publication des trois tomes à part était une bonne idée de Christopher Tolkien. J'ai aussi le doux sentiment de revenir dans ce monde merveilleux du Premier Âge, un Âge sombre, certes, mais ô combien glorieux sous la plume de Tolkien.



J'ai pris mon temps pour lire le second Conte inachevé de la première partie du premier tome des Contes et Légendes inachevées : Narn i Chîn Húrin, Le Geste des Enfants de Húrin !

Dernier des trois grands contes que j'avais lu, les Enfants de Hurin souffre donc de sa proximité temporelle dans mon esprit. De plus, il y a ici le choc de voir à quel point le travail de Christopher Tolkien fut nécessaire pour en faire la version finale que l'on a eu en 2007. En effet, dans cette version, Christopher Tolkien fait le choix de ne pas inclure ce que l'on a en résumé dans le Silmarillon, ni ce que l'on a en chant dans le second tome du Livre des Contes Perdus. Enfin, il ne dispose pas encore des notes de brouillon qu'il ajoutera dans History of the Middle-Earth dans les années à venir.

Le résultat est assez marquant : outre quelques légers changements dans certaines phrases, que Christopher Tolkien considère, en 2007, comme impliquant une trop grande modification de l'éditeur, il y a surtout l'absence des chapitres 7 à 11 du Conte tel que publié en 2007 ainsi qu'une partie manquante dans le chapitre 18.

Globalement, nous avons un "trou", il n'y a pas d'autres termes entre l'arrivé dans la demeure de Mim et le retour de Turin à Dor-Lomin, suite à la chute de Nargothrond. C'est un trou gigantesque donc puisque le lecteur ne comprend pas ce qui fit une telle modification dans la direction prise par Turin, mais en plus et surtout il ignore tout de l'effondrement du royaume de Nargothrond ainsi que de la rencontre avec Glaurung. Autant dire que quelqu'un qui ne connaît pas tout cela, qui lit pour la première fois l'Histoire de Turin, sera radicalement perdu !

On comprend néanmoins les réticences de Christopher Tolkien dans les années 80 : incorporer ces épisodes consistaient à figer des versions différentes de l'Histoire, à "tordre" le travail de son père. Ce que nous avons dans Les Contes et Légendes Inachevés, c'est ce qui est le plus proche de la version finale, "canonique" si l'on peut dire du Geste des Enfants de Hurin. Pour les épisodes manquants, il faut donc revenir sur des matériaux qui ne sont pas aussi définitifs et donner un avis.

C'est cela que Christopher Tolkien choisit de faire en 2007 et, apparemment, c'est discutable. En effet, dans le Silmarillion, la trahison de Mîm, le nain, est involontaire. Dans l'édition de 2007, elle l'est. Dans les Contes et Légendes Inachevées, elle fait partie des éléments manquants. Voilà donc la difficulté à se faire un avis juste.

On notera aussi la fin du récit de Hurin qui est absente, puisque le texte se termine à la mort des héros et non celle de Hurin, qui survient plus tard.

Je trouve donc que ce texte, là encore, confirme à quel point le travail des années 2000 fut salutaire pour offrir une pleine expérience de lecture quand bien même le lecteur doit toujours se montrer méfiant sur les strates de "canoniques" dans le texte de Tolkien.

Quand au plaisir de lecture ? Toujours un régal. Ce drame est unique.

Par l'ombre qu'il porte avec lui, le Geste des Enfants de Hurin est un cas absolument exceptionnel dans l'oeuvre de Tolkien et nous dépossède, nous lecteur, de toute l'espérance que nous portons habituellement en lisant Tolkien. Jamais l'ombre de Morgoth ne fut aussi élevée. Jamais autant que dans ce récit nous voyons la victoire lui appartenir. Encore une fois, c'est grandiose !



Passons maintenant au Second Âge !

Cette seconde partie est légèrement plus courte que la première partie et commence par une description de l'Île de Numenor.

Comme le souligne Christopher Tolkien himself en introduction, le problème de ce texte est qu'il est avant tout descriptif et non-narratif. Mais c'est une description à la Tolkien : on sent qu'elle est faite par un personnage du Légendaire, qui raconte ce que les mémoires humaines peuvent conserver. On sent une volonté de raconter la géographie à travers l'Histoire de l'Île. Ce très court texte (moins de 10 pages) n'est donc absolument pas ennuyeux mais propose réellement un parcours dans le Second Âge. Les notes d'Annexes, peu nombreuses (2) ont le bon goût de relier le texte ici présenté avec les objets du Premier Âge, montrant une filiation entre les hommes de ces deux périodes.

On regrettera néanmoins que l'éditeur n'ait pas pensé à ajouter une carte de Numenor, ce qui aurait rendu la lecture bien plus aisée, il va s'en dire. En effet, quelqu'un qui n'est pas cartographe ou géographe pourrait avoir du mal à se représenter mentalement un pays uniquement via des descriptions de ce type.

C'est un texte court mais parfait pour se lancer à la conquête du Second Âge, le moins connu et probablement le moins aimé par les fans de Tolkien, un âge ô combien marqué de l'empreinte de Numenor.


Aldarion et Erendis.

L'un des rares écrits qu'il nous reste sur le Second Âge et qui propose une véritable histoire.

En effet, à part la Chute de Numenor, nommée Akallabêth ,(dans le Silmarillion) et le début du Tal-Elmar (dans le douzième tome de History of the Middle-Earth), nous n'avons aucun récit sous la forme narrative du Second Âge. Il s'agit ici du récit tragique, terrible même entre Aldarion, fils du cinquième roi de Numenor, et Erendis, jeune femme qui ne vient pas de la ligné d'Elros.

Ce récit est terrible bien que non-fini. Il nous montre un jeune homme, héritier du roi, qui souhaite voyager en Terre du Milieu, redécouverte par les numénoriens moins d'un siècle auparavant et va confronter sa volonté de voyager, de naviguer sur la mer, à celle de son père, le roi, à celle de son coeur, épris d'Erendis et enfin à la volonté d'Erendis. Un mariage d'amour, malheureux, une désunion, une séparation qui se solde dans le suicide, une enfant élevée comme personne d'autres. Et le tout avec un Aldarion qui est le premier des Numénoriens à comprendre la menace d'un héritier de Morgoth. C'est le début de la menace de Sauron, mais ici faite sous un autre angle, pas encore comprise mais qui commence.

Tolkien nous fait vivre la grandeur d'une Numenor presque encore pure, mais qui déjà à des vices en elle par la différence de durée de vie (Erendis peut vivre presque 300 ans, Aldarion dépassera aisément les 400), une réflexion sur les Terres de l'Ouest, sur la tradition.

Ce qui frappe dans ce récit c'est que les personnages n'ont pas la noblesse d'un Tuor ou d'un Beren. Ils n'ont pas la beauté d'âme de leurs ancêtres, mais ils sont bien supérieurs à ce que seront les hommes par la suite. Ils représentent le maximum de notre race mais déjà ils ne sont pas parfaits. Il y a un drame ici sur la nature même de l'humain.

Beaucoup moins grandiose dans l'espérance placée dans les âmes que dans les récits du Premier Âge, Aldarion et Erendis est, d'une certaine manière, plus dramatique encore que les Enfants de Hurin.

Jamais un personnage ne fut plus dramatique, peut-être, qu'Erendis, sous la plume de JRR Tolkien. En effet, j'ose le dire, son destin peut être plus terrible que celui de Hurin, de Neniel, de Boromir ou de Dénéthor.

C'est absolument merveilleux et on regrettera que la fin du récit, qui représente quand même le règne d'Aldarion dans sa totalité ainsi que celui de sa fille, nous n'ayons que des notes, longues, certes, mais pas ne permettent pas de vibrer de la même façon.



Le texte suivant porte sur la Lignée d'Elros est propose la liste des roi de Numenor, de manière plus détaillée que dans Lord of the Rings et en corrigeant des "erreurs" que Tolkien estimait avoir faites.

Notons également que ces biographies permettent de voir progressivement la dégénérescence de Numenor : on voit les rois perdre en grandeur, découvrir le plaisir de la puissance, l'augmentation de cette puissance. On les voit aspirer (très tôt déjà) à suivre leurs volontés, leur curiosité, pas forcément mauvaise, mais on voit que cette volonté, mal dirigée, finit par faire perdre de vue la noblesse de leurs ancêtres.

On voit, sous la forme d'une liste de noms et de courtes biographies, tout le drame du Second Âge.

Un complément indispensable pour le récit d'Aldarion et d'Erendis.



La Seconde partie des Contes et Légendes Inachevées se terminent donc avec L'Histoire de Galadriel et Celeborn. Un excellent choix de la part de Christopher Tolkien puisque cette Légende qui se module à travers les années, sous la plume de Tolkien, sans parvenir à une véritable forme définitive, nous permet de voir les liens entre les Trois Âges. J.R.R. Tolkien dans les mêmes textes passent ainsi du Premier au Second puis conclut avec le Troisième Âge. Peu de textes offrent une telle vision d'ensemble, peu osent affronter la grandeur temporelle du monde de Tolkien. Ce texte représente véritablement l'aspect "légende inachevée" dans le sens où l'auteur est revenu sans cesse, sans parvenir à une version définitive. C'est donc un caractère inachevée d'autres textes qui eux souffrent de ne pas avoir la fin ou de manquer de passages.

On appréciera toutes les nuances politiques autour des elfes de la Lorien qui ne sont pas présentes dans Le Seigneur des Anneaux. On se régalera des différentes versions quant à Celeborn et ses enfants.

Mais surtout c'est l'Elessar qui gagne mes faveurs personnelles puisque J.R.R. Tolkien osa dans le même texte donner deux origines distinctes à l'Elessar qu'Aragorn se voit offert par Galadriel. Est-ce la pierre fabriquée à Gondolin par le plus grand orfèvre de son temps, après Feanor ou est-ce une pierre fabriquée par le créateur des Anneaux au Second Âge ? L'idée d'un jeu autour des deux versions qui sont simultanées est quelque chose de génial qui montre bien que Tolkien se concevait lui-même comme chroniqueur plus que comme un auteur traditionnel.

Un très bon texte pour conclure cette Seconde Partie.




Enfin arrive la troisième partie : le Troisième Âge qui porte principalement sur l’idée d’être un complément au Seigneur des Anneaux en permettant de mieux cerner le contexte global du récit.

Le désastre des Champs d'Iris propose un beau complément au Seigneur des Anneaux. Ce texte raconte le retour d'Isildur dans son royaume d'Arnor après avoir vécu un an au Gondor. Ce retour sera bien entendu fatal au Roi qui mourra en perdant l'anneau.

Tolkien développe grâce à ce texte une psychologie plus fine d'Isildur, nuançant le personnage, le rendant héroïque, digne des Numénoriens. On appréciera son attrait pour l'Anneau mais aussi son refus de l'utiliser dans un premier temps, la puissance de celui-ci, le mal qui l'habite et qu'Isildur comprend. On appréciera le côté tragique de la scène, l'horreur de ces morts qu'on ne peut éviter.

Enfin le texte offre un complément, racontant ce que l'on trouva en Ortanc après la défaite d'Isengard et racontant un tout petit peu la gouvernance du roi Elessar. De fait, ce texte est aussi l'un des seuls qui offrent une suite au Seigneur des Anneaux.

On notera qu'ici le texte est surtout rempli de notes, permettant de tout développer et que ces notes sont majoritairement celles de l'auteur. J.R.R. Tolkien cherche en effet ici encore à jouer le rôle de chroniqueur et même d'Historien, justifiant les Sources de ces chroniques à l'intérieur de son Légendaire. Nous avons donc bien ici une Légende inachevée dans le sens où l'on manque ici de sources historiques mais que le lecteur se rassure : le texte est complet ! Quelle joie à lire pour tout fan du troisième Âge !



Cirion et Éorl est un ensemble de textes différents qui racontent la naissance du Rohan et son amitié avec le Gondor. Là encore certains textes sont de l'ordre de la chronique et permettent au lecteur de se représenter la tombe d'Elendil, les hauts faits d'Isildur au Gondor et ainsi de saisir le début du Troisième Âge. Le texte offre même des références précises à Numénor et permet donc de lorgner vers le Second Âge avec plaisir.

Un récit absolument fondamental en somme rien que pour cet aspect.

Mais c'est surtout un texte qui offre au lecteur la compréhension des menaces autres que Sauron dans le Troisième Âge. On comprend mieux les dangers des incursions des Peuples Charotiers, ainsi que des Orientaux. On voit que les Rohirrims n'ont pas toujours vécu dans le Rohan et que ce don du Gondor est le résultat d'une modification géographique profonde pour les dresseurs de chevaux qui ont ainsi migré en Terre du Milieu.

Le texte est très utile sous l'angle géographique, il faut le lire à tout prix avec des cartes à côtés mais sa longueur (une quarantaine de pages) permet aussi de développer le passage des Rois aux Surintendants.

Chronique historique et géographique plutôt que récit narratif et épique, ce texte est là encore le genre de textes qu'un amateur du Troisième Âge devrait absolument lire. Encore plus quand on parle de quelqu'un qui aime le Rohan.



L'expédition d'Erebor est un récit annulé où Tolkien met en scène Gandalf discutant avec les Hobbits et Gimli à Minas Tirith à la fin de la Guerre de l'Anneau. Le but est d'expliquer ici la différence de ton entre le Hobbit et LotR. L'idée est que Bilbo ayant écrit le premier, il n'a pu rédiger que ce qu'il percevait et comprenait des évènements. Or Gandalf nous montre un Thurin bien moins sympathique avec Bilbo que celui-ci ne pouvait le deviner. Si on pouvait penser Thurin orgueilleux, on voit comment ce chef de guerre a pu finir par monter une expédition aussi absurde que celle du Hobbit. Il s'agit aussi, dans ce récit, de nous montrer comment Gandalf espérait inclure ce plan global dans une lutte plus grandiose contre Sauron.

Grâce à ce texte le Hobbit gagne en profondeur et les liens entre les oeuvres se font voir. Surtout, comme dans d'autres textes, Tolkien cherche à mettre en avant que la victoire des hommes contre Sauron est le fruit de plusieurs points, semblant mineur. Ici, si Smaug avait été encore vivant, il aurait été impossible que Sauron perde.



De même, Sauron aurait remporté la Guerre de l'Anneau s'il avait traité différemment Gollum comme La Quête de l'Anneau le montre. Ces textes se concentrent sur la recherche par Sauron de l'Anneau, à travers les Cavaliers Noirs, au tout début du Seigneur des Anneaux. Tolkien cherche à montrer que les deux seules informations de Sauron sont : Saquet et Comté et que ceux-ci ne permettent pas de déduire où se trouve le territoire recherché, ni qui sont précisément les Hobbits. C'est cette ignorance de Sauron et de ses lieutenants qui va conduire à une longue quête pour obtenir des informations. Ce texte est à mes yeux capitals pour mieux comprendre le déroulé de cette phase de la Guerre du point de vue du Mordor. C'est aussi l'occasion de mieux cerner la compréhension limitée qu'ont les protagonistes de la géographie de leur propre monde : le lecteur connaît mieux cette géographie que les habitants !

Ce texte permet également de mieux comprendre les rapports entre Saruman et Sauron, le premier n'hésitant pas à trahir le second quant aux informations dont il dispose. On notera même que dans une version, au moment où Gandalf s'évade, Saruman envisage franchement de demander pardon au magicien gris et de le rejoindre dans sa Guerre contre Sauron.



Les batailles des gués de l'Isen recherche la même cohérence explicative : il s'agit ici de montrer que par la trahison d'Isengard, les gués de l'Isen étaient incapable d'être un lieu de défense efficace. Le texte raconte donc le dernier combat de Théodred, le fils de Théoden. Les chevaliers du Rohan sont ici à l'honneur et on voit que leurs défenses ont permis de gagner les précieuses heures qui ont désorganisées les troupes d'Orcs, offrant ainsi le temps de gagner, suite à cela, plusieurs jours.

Un texte de détail, qui demande de bien suivre une stratégie géographique mais qui est d'une rare richesse pour comprendre la cohérence de cette Guerre de l'Anneau. Là encore un récit très utile pour les amoureux du Seigneur des Anneaux.




La quatrième partie des Contes et Légendes Inachevées sont une suite d'essais particulièrement importants pour ceux qui tentent de résoudre les énigmes de Tolkien.

Le premier, les Druedains, propose de présenter cette race d'homme des bois. Tolkien cherche alors à rebours à créer des liens entre le Seigneur des Anneaux où ils apparaissent et le Premier Âge où il les fait apparaître désormais. Il montre donc le parcours de cette race, ennemi héréditaire des Orcs, du début du monde à la fin des chroniques. C'est d'ailleurs un style d'historiographe plus que de chroniqueur que Tolkien adopte ici puisqu'il propose des origines alternatives, des interprétations concurrentes et cela au sein d'un même texte pour bien montrer que l'auteur ignore quelle position adopter au bout.



Les Istari est l'essai absolu que tout le monde devrait lire pour bien comprendre les différentes conceptions que Tolkien a eu des Istari ! Parfois ceux-ci sont reliés à des Valars précis, parfois non. Parfois ils sont 5 mais représentent un ordre plus large, parfois ils ne sont que ces 5 émissaires, rien de plus. Parfois Gandalf est second par importance, parfois il est dernier. Enfin, on notera que Tolkien propose plusieurs plans d'échecs pour les Mages Bleus et ne semble guère envisager leur victoire en réalité, ne voyant en eux que des défaites plus ou moins profondes. On notera que Radagast n'a guère plus de mots à son sujet. Enfin, ce texte est intéressant en cela aussi qu'il rappelle à travers Gandalf les possibilités de compréhension des points cardinaux en Terre du Milieu : l'Est et le Sud sont des régions forts différentes (et c'est important de ne pas l'oublier, on a trop tendance à les confondre), mais surtout il est parfois difficile de savoir si quand Tolkien parle d'Est et de Sud il désigne les régions extrêmes (donc au-delà des cartes que l'on a et qui représentent le plus gros du continent) ou s'il parle des limites de la carte. C'est-à-dire que Gandalf dit qu'il a été à l'Est et jamais au Sud, puis il donne un nom qu'on lui aurait donné au Sud. Il s'agit donc de savoir quels sont les référentiels selon les situations.

On notera aussi que Tolkien passe beaucoup de temps à rappeler les limitations des Istari et le fait que personne à part Elrond, Galadrielle et Cirdan ne connaissent leur nature divine. Ainsi il cherche bien à se prémunir du débat, aujourd'hui régulier, des fans rappelant que l'on parle de divinité : ils n'en ont en réalité ni le pouvoir, ni l'état d'esprit, s'étant eux-mêmes dépouillés et diminués pour venir en Terre du Milieu.

C'est un texte intéressant, absolument nécessaire pour tous les fans qui aiment les débats, bien que, pour le coup, je pense qu'on voit à quel point pour Tolkien cet ordre des Mages restait un sujet secondaire dans sa tête.



Enfin les Palantiri représentent le dernier texte du livre et propose d'expliquer tout simplement le fonctionnement et l'Histoire des Palantiri. C'est clair, rapide et ça permet de mieux cerner l'Histoire du Troisième Âge. On notera que Tolkien avait conçu un système complexe d'utilisation des pierres en fonction d'axes mais qu'il aurait lui-même abandonné ce dit système, se rendant certainement compte qu'il tenait du miracle d'Eru que Pippin ait pu utiliser le Palantir convenablement par hasard.

Pas le texte le plus capital du livre mais un ajout intéressant.



Et voilà pour moi ! C'en ait fini de mon Tolkien annuel !

mavhoc
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le 18 août 2024

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