Ce livre rassemble une trentaine de nouvelles de Maupassant, connu comme étant, entre autres, une figure de proue du fantastique. Ce qui lui a valu cette réputation, ce n'est sans doute pas, à mes yeux, "l'extraordinaire" de ses histoires, comme pouvaient l'être celle d'Edgar Poe, mais justement leur "banalité", celles-ci étant souvent contées sous forme d'anecdotes plus ou moins passionnantes. Mais Maupassant avait tout compris au fantastique, il savait qu'on pouvait le faire apparaître n'importe où, n'importe quand ; son art littéraire dans ce domaine est celui du détail, du détournement du réel, de "l'impression bizarre", du cauchemar ou du mauvais pressentiment. Avec lui, les situations étranges sont subtilement amenées, tout bascule sans que l'on s'en aperçoive, car tout est prétexte à les introduire. Certaines versent tout de même dans le surnaturel pur et dur ("La morte"), mais la plupart sont profondément ancrées dans la réalité, et c'est ce qui fait naître l'angoisse, chacun pouvant aisément s'y transposer. On peut ainsi citer des thèmes récurrents comme la nuit, l'obsession amoureuse, les éléments naturels, la "rêverie", les frontières de la raison, le sentiment de peur, les animaux et le corps humain, particulièrement les mains ("La main d'écorché", "La main") et les cheveux ("La chevelure", "Apparition"). Le talent descriptif de l'auteur, qui en profite pour passer au crible toutes les croyances et évolutions scientifiques de son temps, fait le reste. Et finalement, on s'aperçoit que ce qui compte, ce n'est pas tellement la fin de l'histoire, mais le fait que l'histoire n'a pas de fin arrêtée, car subsiste toujours une incertitude, ce fameux doute qui caractérise les meilleurs récits fantastiques. A lire absolument ici : "Le Horla", "Lui ?", "Sur l'eau", "La morte" et "Lettres d'un fou".