La "démocratie" représentative élective présente de nombreux défauts :
– La durée limitée des mandats encourage les élus à prendre des mesures à court terme qui ont l'apparence de l'efficacité plutôt des mesures à long termes à l'efficacité réelle.
– La fin du mandat d'un élu est gaspillé car il fait campagne pour sa prochaine réélection.
– L'élection était considéré par Aristote et Montesquieu non comme un processus démocratique mais oligarchique, car il ne peut conduire qu'à favoriser les classes sociales les plus élevées. Ce processus a été choisi par ceux qui ont écrit la constitution dans la plupart des pays européens, c'est à dire la bourgeoisie. Faire de la politique demande du temps, de l'argent et de l'éducation, tout ce qui est hors de portée des pauvres. Aujourd'hui on constate bien qu'être politicien n'est pas être au service du peuple, mais au service de soi-même, car il s'agit d'une carrière professionnelle comme une autre, un moyen pour l'individu d'acquérir de l'avancement après être sorti des grandes écoles, créant une caste à part qui, quelque soit leur parti, contrôle tous les pouvoirs et n'ont aucune raison de prendre des mesures qui iraient contre leurs intérêts personnels.
– de fait, les élus, souvent juristes, avocats, entrepreneurs, ou banquiers, ne sont pas représentatifs de leurs électeurs, donc peu légitimes mais aussi peu efficaces pour régler les problèmes des autres classes sociales dont ils ignorent l'existence ou se fichent complètement.
– le pouvoir réel du peuple se limitant au vote, il redevient impuissant une fois l'élection passée.
– L'élection ne permet pas de sélectionner "le meilleur" candidat ; que faire quand tous sont aussi mauvais ?
– L'élection d'un candidat, d'un parti, ne permet pas aux électeur d'exprimer leur pensée de manière nuancée ; être forcé d'accepter tout un paquet d'idées, plutôt que sélectionner précisément celles que l'on souhaite, nuit à l'efficacité du régime.
– Ce régime est facilement corruptible
Elle n'est plus adaptée à la société du 21ème siècle :
– Elle n'a jamais été conçu pour supporter des partis politiques. L'assemblée était censée être un espace de débat pour se mettre d'accord, or les partis ont pour effet de fanatiser leurs propres membres autour de quelques idées fixes, sans pouvoir en débattre avec les partis adverses, transformant l'assemblée en espace de clivages plutôt que de débats, et empêchant les partis de faire évoluer leurs propres idées.
– le battage médiatique, qui fait une montagne de quelque chose d'insignifiant et cherche plus le spectacle que l'information, mène les élus à se prêter au jeu et à se donner en spectacle en vue d'améliorer leur image pour la prochaine élection ; les politiciens se décrédibilisent chaque fois qu'ils ouvrent la bouche. Ils prennent des mesures spectacles pour nourrir le spectacle médiatique dans un but électoral, donc qu'on élise les "meilleurs" ou pas, l'inefficacité et la préférence aux intérêts personnels s'enracinent dans le paysage politique.
(Et à titre personnel je rajouterai que quand les grands médias, dont certains rachetés par des groupes financiers, diffusent le même genre de propagande libérale et influencent à la fois l'électeur et l'élu, on a un nouveau problème.)
Mon résumé est grossier et j'en ai sûrement oublié ; le procès de la procédure électorale est chargé ; sa légitimité est douteuse et son efficacité aussi, non seulement aujourd'hui, dans la pratique, mais aussi sur le papier, avant même son existence. La croyance selon laquelle démocratie=élections est devenu un dogme ; on y réfléchie plus, on nous l'enseigne depuis tout petit ; un dogme qui se montre dangereux lorsqu'on l'exporte par la force dans des pays déstabilisés où il va amplifier les conflits.
Plus personne ne croit que voter change quoi que ce soit, mais beaucoup le font encore. L'école nous apprend que l'on a "des droits et des devoirs" ; évidement, élire un aristocrate au service des riches fait partie des devoirs.
En solution à ces problèmes, l'auteur se penche sur la démocratie représentative par tirage au sort, qui a été utilisé avec succès à Athènes et à Florence pendant deux siècles consécutifs chacune. Quand on parle de tirage au sort, les gens ne veulent pas en entendre parler, ils croient qu'on va tirer le président au hasard ; ce n'est pas du tout ça. Il s'agit de réunir des centaines ou des milliers de citoyens pris au hasard, de manière à obtenir un échantillon représentatif de la population, en les rémunérant pour que les pauvres participent aussi, et en leur offrant un espace qui leur permet de débattre et de délibérer. Ce système offre à chacun les mêmes chances de peser sur la politique de son pays, et des mandats courts permettent de faire tourner une grande partie de la population ; les femmes participeraient autant que les hommes, et les nombreux pauvres pèseraient plus que les quelques riches. Je crois que ça pourrait même être le ciment d'une nouvelle cohésion sociale, plus efficace que le service militaire et moins malsain.
Seuls les postes nécessitant des compétences spécifiques seraient sujets à élection. La population serait plus investie dans la politique puisque elle y participerait vraiment. Ce régime serait plus légitime vis-à-vis du peuple, et moins corruptible. Quant à la compétence des sélectionnés, des expériences grandeur nature au Canada, en Islande, en Irlande, au Pays-Bas, montrent que celle-ci s'acquiert en débattant sur les sujets en question et qu'au besoin on peut former les jurés auprès de spécialistes. Lorsqu'on traite les gens en adultes capables de réflexion, au lieu d'une masse bête à laquelle il faut mentir pour son bien, ils se comportent en adultes qui réfléchissent et produisent des résultats concrets. le tirage au sort est aujourd'hui utilisé pour sélectionner les jurés d'assises sans que cela pose problème ; pourquoi ne pas faire de même pour écrire et voter les lois ? Il ne s'agirait pas de copier le régime d'Athènes au Ve siècle avant notre ère, mais de s'en inspirer pour créer quelque chose d'adapté à notre besoin actuel de participation à notre propre démocratie. Des modèles qui utilisent la tirage au sort et qui fonctionnent, on pourrait en imaginer des dizaines ; la phase délicate serait plutôt la transition d'un modèle à l'autre, mais l'élection pourrait coexister avec le tirage au sort ou la participation volontaire.
Pour citer l'auteur lorsqu'il se résume brièvement :
« – Il faut prendre conscience que les raisons invoquées aujourd'hui contre des citoyens tirés au sort sont souvent identiques à celles avancées autrefois contre le droit de vote pour les agriculteurs, les ouvriers ou les femmes. A l'époque aussi, ceux qui s'y opposaient prétendaient que c'en serait vraiment fini de la démocratie.
– Un Parlement élu dispose sans aucun doute de plus de compétences techniques que s'il était tiré au sort. En revanche, chacun est le spécialiste de sa propre vie. A quoi bon avoir un Parlement composé de juristes très qualifiés, si peu d'entre eux connaissent encore le prix du pain ? Avec le tirage au sort, on obtient un meilleur échantillon de la société au sein du corps législatif.
– Les élus ne sont pas toujours compétents non plus. Sinon, pourquoi auraient-ils des assistants, des chercheurs et des bureaux d'études à leur disposition? Comment se fait-il que les ministres puissent du jour au lendemain changer de ministère? Ne serait-ce pas uniquement parce qu'ils sont entourés d'une équipe professionnelle qui leur offre ses compétences techniques?
– Une représentation nationale tirée au sort ne serait pas laissée à elle-même : elle pourrait inviter des spécialistes, compter sur des modérateurs et se renseigner auprès des citoyens. de plus, elle se verrait accorder un certain temps pour se familiariser avec son travail et une administration pour se documenter.
– Comme les citoyens tirés au sort n'ont pas à se préoccuper du fonctionnement d'un parti, à mener campagne et à intervenir dans les médias, ils disposent de plus de temps que leurs collègues élus dans l'autre chambre législative. Ils peuvent se consacrer pleinement à leurs travaux législatifs : acquérir une bonne connaissance des dossiers, entendre des spécialistes, délibérer entre eux. [...]
- Les jurys de citoyens tirés au sort pour se prononcer lors d'un procès montrent que, généralement, les gens prennent leur tâche très au sérieux. La crainte qu'un hémicycle se comporte de manière imprudente et irresponsable n'est pas fondée. Si nous sommes d'accord pour que douze personnes décident en leur âme et conscience de la liberté ou de l'incarcération d'un concitoyen, nous pouvons être convaincus qu'un plus grand nombre d'entre eux souhaite servir l'intérêt de la communauté de manière responsable et en soit capable.
– Toutes les expériences de forums de citoyens témoignent du dévouement et de l'approche constructive des participants tirés au sort et souvent de la finesse de leurs recommandations. Faut-il en déduire qu'elles ne présentent aucune faiblesse ? Bien sûr que non, mais un système de représentants élus a aussi ses faiblesses. Ses lois aussi ont parfois des défauts.
- Pourquoi acceptons-nous que des lobbys, des groupes de réflexion et toutes sortes de groupes d'intérêt exercent une influence sur la politique, alors que nous hésitons ne serait-ce qu'à donner voix au chapitre aux citoyens ordinaires, qui sont tout compte fait les premiers concernés ?
– En outre, une chambre composée de citoyens tirés au sort ne serait pas la seule. Durant cette phase de la démocratie, la législation serait justement le fruit d'une collaboration entre les représentants élus et ceux tirés au sort. Des pitres au pouvoir ? Si l'on veut, mais ils ne l'exerceraient pas seuls. »