Aux confins d'un Empire fictif, dans un petit village jusque là plutôt paisible, le corps du prêtre est retrouvé gisant dans le froid. La communauté se divise, les tensions religieuses se ravivent et c'est dans ce contexte de rupture que l'on suit l'enquête menée par l'inspecteur Nourio et son adjoint Baraj.
J'ai personnellement eu un début difficile avec ce roman de Philippe Claudel car très vite le personnage principal apparait antipathique au possible, bestial dans son comportement, guidé par ses pulsions primaires, obsédé sexuel, orgueilleux et souvent méprisant dans son attitude et ses jugements. C'est parfois douloureux de lire ces pages relatant ses pensées ou son état d'esprit, surtout quand toutes les cinq pages il est fait mention de son sexe en érection ou de son désir brulant pour une petite fille de 13 ans.
Il y a aussi ce style très boursoufflé (surtout au début), littéraire à l'excès, où chaque phrase semble vouloir être une démonstration de style jusqu'à rendre la lecture "rapeuse", pas assez fluide. On bute sur des mots ou des bouts de phrases trop longs.
Et puis le récit avance, on comprend que Claudel opère un basculement intéressant vers plus de présence et de mise en avant de l'adjoint Baraj, colosse au cœur d'argile, poète à ses heures, doux comme un agneau et plein d'une tendresse débarrassée de tout désir physique envers la même jeune fille. La transition se fait avec naturel et parvient à rattraper le lecteur un peu déboussolé que j'étais, un peu dégoûté par le personnage de Nourio.
De même concernant la plume de Claudel à laquelle je me suis habitué... ou qui gagne en fluidité sans perdre pour autant de sa qualité ou de sa poésie ?
Au final j'ai dévoré le roman bien que j'ai des choses à lui reprocher, bien que l'intrigue policière passe finalement au second plan et bien que ma lecture ait été dans un premier temps contrariée. C'est plutôt bon signe et c'est assez rare, pour moi en tout cas, qu'un roman me plaise plus à la fin qu'au début ; en général c'est plutôt l'inverse, je peux être dans un premier temps séduit avant de me lasser petit à petit.
Un roman intéressant donc, plein d'aspérités plus ou moins agréables, mais qui ne laisse pas indifférent au moins et sait attraper son lecteur, lui procurer des sentiments contradictoires et l'amener à analyser son ressenti.