Croc-Blanc
7.5
Croc-Blanc

livre de Jack London (1906)

Avec ce roman de Jack London, j'achève une petite boucle puisque j'avais déjà commenté le roman "l'appel de la forêt" que j'avais accompagné par une chronique des films correspondant à l'Appel de la forêt (2020 – très décevant) et à Croc-Blanc (1991).

"Croc-Blanc" est la vision inverse de "l'Appel de la forêt" puisqu'un loup qui a une lointaine origine "canine" va évoluer pour intégrer la société humaine.

D'abord, je voudrais m'arrêter sur un point de vocabulaire dont je n'ai pris conscience qu'assez récemment (à l'occasion d'un film justement sur le Grand Nord "Into the Wild") : il s'agit de l'utilisation du mot "Wild" qui ne me semble pas avoir d'équivalent en français. Le mot anglais, par sa sonorité ouverte et longue, ouvre un horizon immense, indéterminé, glacial, hostile, plutôt dans le grand nord, où ne règne que la loi du plus fort, une loi de la jungle. Mais le mot "jungle" est trop restrictif et s'applique difficilement ici puisque le principal ennemi, c'est le froid qui engendre la faim.

Donc, le Wild est ce monde où est né le loup Croc-blanc avant de rejoindre la société humaine indienne puis blanche. C'est un monde complètement libre qui s'oppose au monde des êtres humains. Quitter le Wild pour Croc-Blanc signifie perdre sa liberté, devenir esclave contre quelques compensations en termes de sécurité.

"Croc-blanc" est un roman d'aventures où le héros, Croc-blanc, nous explique son itinéraire mais surtout sa vision de la vie, sa hiérarchisation des êtres vivants, des animaux aux hommes qu'il assimile à des dieux tout-puissants.

Ce qui me plait dans ce roman – que j'imagine imaginaire (oh) – c'est la capacité d'analyse de Croc-Blanc (en fonction des coups de bâton, des jurons, des contraintes) pour déduire le comportement idoine à adopter pour passer à travers les gouttes de la colère des hommes-dieux et avoir droit, à l'essentiel, à sa ration de viande. C'est que ces dieux sont vraiment compliqués et ont des lubies presqu'incompréhensibles. En effet, les maîtres ne disent rien voire approuvent si on s'attaque à des animaux sauvages mais s'offusquent si on entre dans le poulailler pour se taper une petite poule bien dodue.

La construction du roman est redoutablement efficace. Après une introduction effroyable où un convoi est quasi exterminé par des hordes de loups affamés, Jack London introduit son personnage qu'il va faire évoluer entre son séjour chez l'indien Castor Gris puis chez l'immonde Beauty Smith avant d'échouer chez Weedon Scott où il découvrira la tendresse à l'âge adulte.

Roman dur car Jack London ne nous épargne pas beaucoup de détails cruels sur les nombreux déboires que devra subir Croc-Blanc. Mais roman passionnant où Jack London nous invite à examiner la société à travers les yeux d'un jeune loup qui trouve avantage à quitter le Wild pour devenir un chien …


JeanG55
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