Le héros de ce roman s'appelle Patterson. PATTER-SON. PATER-SON. PERE-FILS.
Le titre de ce roman est "Cry Father". Pleure, père. Il traite en effet du rapport père/fils mais pas que.
Patterson est élagueur et il intervient surtout sur des scènes de catastrophes naturelles pour désengager des lignes électriques arrachées par des arbres, des cyclones. Il roule à travers l'Amérique, de chantier en chantier, sur lesquels il côtoie une faune de durs à cuire, des ouvriers spécialisés qui carburent à la dope et à l'alcool. A la violence aussi. Une tronçonneuse dans une main, un gun dans l'autre, aucune sécurité n'existe dans sa vie.
"Cry Father" explore la relation épistolaire de Patterson avec son jeune fils décédé, Justin. En parallèle, il fouille aussi la relation père/fils de Henry et Junior, complexe et à vif. Junior est le second personnage principal du roman, il a vingt ans de moins que Patterson et il est passeur de drogue entre le Colorado et le Texas, via le Nouveau-Mexique.
Junior et Patterson ont en commun d'être paumés, désillusionnés, séparés de leur compagne, détenteurs d'armes à feu, consommateur de cocaïne et d'alcool, fumeurs invétérés. Ils n'ont pas grand chose à perdre ; ils ne croient pas en l'avenir. Ils se sentent piégés par un système. Entre eux, une relation va naître qui se sera ni de l'amitié, ni du paternalisme, ni de la méfiance. Un type de relation que peu d'auteurs réussissent à rendre crédible et émouvant. Benjamin Whitmer y parvient à la perfection.
"Cry Father" est un roman d'une noirceur terrible et extrême. Ultra-violent, il vous laisse pantois sur le bord de la route, dans la poussière du désert. Je n'avais pas été autant secoué depuis "J'irai cracher sur vos tombes" de Boris Vian. Ames sensibles, s'abstenir absolument, ça flingue, ça saigne, ça baise, ça trafique, ça fait peur. Avec une force narrative tranquille mais expéditive, l'auteur crée un univers que l'on devine bien trop réel, définitivement américain.
"Cry Father" est une sorte de claque qui vous assomme et pourtant, vous vous surprenez à tendre l'autre joue.