On ne présente plus H.P. Lovecraft aux amateurs de littérature d’horreur et de fantastique en général. Pourtant, son nom reste étrangement inconnu du grand public, même en ce début de 21ème siècle à un moment où son œuvre n’a jamais été aussi présente dans la culture populaire.
Sa réputation sulfureuse, dont on pourra se faire une idée en lisant l’essai signé Michel Houellebecq, H.P. Lovecraft : contre le monde, contre la vie (habilement préfacé par Stephen King), ne saurait à elle seule justifier ce manque de reconnaissance globale.
Il y a aussi un style unique, à la puissance évocatrice considérable, comparable dans son impact à celle de son collègue et camarade R.E. Howard (Conan, Solomon Kane) au sein de la cultissime revue Weird Tales, mais dont la méthode basée sur l’emphase et les redondances peut vite décourager le lecteur.
Et puis, bien sûr, il y a l’impuissance d’Hollywood à le vulgariser.
Beaucoup ont tenté de s’emparer de l’univers Lovecraftien, mais ont le plus souvent échoué, à moins de tordre le cou à la rigueur, de forcer le trait ou d’injecter assez de ce second degré propre aux séries B cosignées par les fans exaltés que sont Stuart Gordon et Brian Yuzna, de Re-Animator (1985) à Dagon (2001) en passant par From Beyond (1986) ou le recueil Necronomicon (paru en 1993 et mettant en scène le personnage de Lovecraft).
Quelques moyens métrages, format plus adapté aux nouvelles, sont concoctés par des cercles d’amateurs éclairés depuis quelques années, comme le réussi Appel de Cthulhu (2005) et ses effets visuels peu coûteux évoquant le surréalisme allemand façon Cabinet du Dr Caligari (1920).
Certains se contentent de références. Comme Sam Raimi qui met le livre des morts, le sus-cité Necronomicon d’Abdul al-Hazred, au centre de sa trilogie Evil Dead, ou encore Stephen King dont ne serait-ce que Brume (The Mist dans sa version film) adopte certains codes.
Une très respectable brochette d’auteurs et de cinéastes rend d’ailleurs hommage au maître dans le documentaire Lovecraft: Fear of the Unknown, paru en 2008.
Lovecraft, c’est l’écriture de l’incommensurable, de l’inquantifiable, de l’indescriptible… du trop grand pour les mots en somme. Paradoxe? Pour sûr. Les descriptions de Lovecraft orbitent autour de leur sujet sans jamais en dévoiler de contours trop nets. Elles encerclent tel le prédateur. C’est là un élément clé de son oeuvre. D’où une mise en images quasi impossible. Le cerveau et l’instinct du lecteur sont pour cela trop mis à contribution dans l’oeuvre originale, restant les seuls à détenir le pouvoir de redessiner les contours de la menace.
Du jeu de rôle (probablement le médium le plus adapté pour les raisons évoquées à l’instant) à la musique populaire, des arts plastiques à la littérature, des jeux vidéo à la bande dessinée, les exemples d’appropriation de références abondent et l’influence de Lovecraft se propage dans l’imaginaire collectif de la même manière que les Grands Anciens propagent les images prophétiques de leur retour via les nimbes oniriques.
Proposé par les Editions Bragelonne, cet énième recueil de nouvelles écrites par H.P. Lovecraft au cours d’une vie agitée entièrement axée sur l’écriture regroupe de manière thématique toutes celles ayant pour dénominateur commun le culte sans âge du grand Cthulhu, créature géante dormant dans sa citadelle de R’lyeh au fonds des océans de notre planète depuis bien avant l’apparition de l’homme, dans l’attente d’un réveil à la faveur du bon alignement cosmique, et dont les visions apparaissent dans les rêves des individus prédisposés, se constituant dès lors en une multitude de cultes disparates sans rapport apparent.
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Critique publiée le 19 décembre 2014 par Ridley B. Scott
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