D'autres vies que la mienne est le premier livre que je lis qui m’a littéralement broyé, au point d’en avoir fait des cauchemars et des insomnies la nuit. J’ai également dû survoler certains passages, et faire des longues pauses entre deux sessions de lecture, ce qui explique que j’ai mis plus de temps à le lire que ma moyenne habituelle.


Non, il ne s’agit pas d’un livre horrifique, ni d’un thriller macabre. Cependant, il m’a mis directement face à face avec mes deux plus grandes phobies : la maladie et la mort ; ce qui est bien pire et bien plus tangible, car tout ce qui est raconté dans le récit est réel et évoque la vie de personnes qu’Emmanuel Carrère a réellement fréquentées. Le livre nous pousse dans nos derniers retranchements, nous secoue, mais on en sort grandi, car, d’une part, on arrive un peu mieux à concevoir ce que cela fait d’être malade, sérieusement malade, et d’autre part, cela nous permet de relativiser grandement notre situation, tout en n’oubliant pas que nous avons tous une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et que les héros de ce livre sont peut-être les nous de demain.


En faisant le parallèle entre plusieurs vies meurtries, celles d’un couple qui a perdu leur enfant dans le tsunami de 2004, celle d’une femme juge morte prématurément d’un cancer, et celle de son ami et collègue amputé d’une jambe des suites d’un cancer également, Carrère ne cherche ni à attirer la pitié ni à verser dans le tire-larmes. Son récit se veut avant tout factuel, et au gré des réminiscences des personnes gravitant autour de ces êtres peu épargnés par le destin, il célèbre avant tout l’amour qui les unit et leur rend un vibrant hommage. Carrère mène par ailleurs de brillantes réflexions sur la grande force de caractère qui anime les personnes gravement malades, sans pour autant les héroïser. Sans tabou, l’auteur français n’évite aucun sujet, ni les plus glauques, ni les plus morbides et angoissants, qui intriguent forcément quand on découvre la vie de personnes malades. Par exemple comment fonctionne la sexualité d’un homme amputé, comment renaître et retrouver l’amour après un tel drame ? Quelles sont les pensées qui nous animent quand on sait qu’on va mourir et comment prépare-t-on l’après, de manière très concrète, avec nos proches ?


En dehors de certains passages assez techniques sur le droit de la consommation qui m’ont passablement ennuyé, ce livre m’a beaucoup parlé malgré sa dureté. A une époque où la maladie est omniprésente dans nos vies et fait désormais partie de notre quotidien, il permet surtout de minorer nos angoisses de tous les jours en comparaison de ceux qui sont à l’agonie et qui malgré tout ont toujours trouvé une chose à laquelle se raccrocher.

Créée

le 24 nov. 2020

Critique lue 529 fois

11 j'aime

Albiche

Écrit par

Critique lue 529 fois

11

D'autres avis sur D'autres vies que la mienne

D'autres vies que la mienne
emmafrida
8

Critique de D'autres vies que la mienne par emmafrida

J'ai d'abord été un peu effarée par le tapage médiatique autour de ce roman, de Elle à Télérama en passant par Marie-Claire, il était partout, ce qui a souvent le don de m'agacer et me pousse à me...

le 7 nov. 2010

10 j'aime

1

D'autres vies que la mienne
Tom_Ab
9

Emmanuel Carrère comme témoin...

On peut découper le livre en deux parties : une partie, terrible, qui se déroule au Sri Lanka, lors du tsunami qui ravagea les côtes de l'Océan Indien en 2004. En vacances en famille, l'écrivain est...

le 8 févr. 2015

9 j'aime

D'autres vies que la mienne
Lubrice
9

Critique de D'autres vies que la mienne par Brice B

Je suis surpris de découvrir que jamais nulle part, je n'ai parlé de ma seconde expérience de Carrère. La lecture de ce roman, D'autres vies que la mienne, m'a bouleversé. D'abord pour le style,...

le 25 sept. 2011

6 j'aime

Du même critique

Tenet
Albiche
9

Tenet bon (très bon)

Alors que sur les réseaux sociaux, la bataille cinéphilique qui opposait les plus fervents admirateurs de Christopher Nolan à ses détracteurs les plus motivés semble s'être enfin calmée, je ne peux...

le 26 déc. 2020

63 j'aime

18

Les Misérables
Albiche
8

Comment ne pas être un pitbull quand la vie est une chienne ?

Difficile de se sentir légitime d'écrire une critique sur ce film, quand comme moi, on a vécu dans un cocon toute notre vie, si loin de toute cette violence et de cette misère humaine si bien décrite...

le 26 nov. 2019

56 j'aime

8

Game of Thrones
Albiche
10

"That's what I do. I drink and I know things."

Ma critique ne comportera quasiment aucun spoilers et ceux-ci seront grisés, vous pouvez y aller sans risque si vous n'êtes pas encore à jour dans la série. Cette critique a été écrite avant que la...

le 28 août 2017

55 j'aime

32