Édité dans la collection polars en nord, D'où vient Angela Küber est à ranger selon moi davantage dans la « catégorie » nouvelle sentimentale fantastique. Le bandeau Enquête sur une lilloise inconnue et l'illustration insistent dans cet avant-goût de roman policier dont on n'aura jamais vraiment la saveur ensuite.
À la limite, pourquoi pas, c'est parfois plaisant d'être mené en bateau, pourvu que la surprise soit bonne. Elle aurait pu l'être dans la dimension fantastique amenée, sauf que celle-ci était trop téléphonée et déjà vue pour ne pas être plus aboutie.
Deux fois dans le roman, un voyage temporel se produit de manière inexpliquée et permet aux personnages principaux de se (re)trouver. La question de la cohérence spatio-temporelle est effleurée, à mille lieux de ce qui a pu être proposé bien avant, par exemple au cinéma dans L'armée des 12 singes et plus tard Prédestination (adapté d'une nouvelle d'Heinlein).
Le principal intérêt de ce ressort fantastique est finalement d'en faire un peu plus dans le registre de l'amour et du sentimentalisme. Sauf qu'à mon goût, le livre en fait déjà trop en la matière. Le deuil amoureux et la mélancolie sont des thèmes inépuisables mais parfois un peu épuisant. Et on retrouve quantité de passages sur ce registre comme celui qui suit :
« Je n'ai plus d'intérêt pour ce petit territoire étriqué, à ma mesure, qu'est devenue ma vie. Quelques mètres carrés où trônent des guitares et des pianos sur lesquels je fais revivre des mélodies usées ou oubliées. »
Au niveau de l'écriture, quelques passages sortent quand même du lot et sont bien travaillés. La structure du roman est quant à elle assez atypique : en 4 parties de longueur décroissante, elles-mêmes découpées en chapitres de 3-4 pages en général. Ça rend le récit très accessible mais ça lui enlève peut être en profondeur. Un autre découpage le ferait apparaître comme la nouvelle qu'il est davantage au fond. Ce choix se justifie néanmoins par les chapeaux de début de chapitre, qui viennent faire dialoguer le livre avec le livre du livre. Intention intéressante mais qui tombe dans l'écueil de nous sortir du récit premier en l'entrecoupant sans tout à fait nous faire entrer dans ce récit second.