Dalva
7.6
Dalva

livre de Jim Harrison (1988)

Il y a un peu plus d’un an déjà, Jim Harrison, dit Big Jim, quittait notre monde. Je ne m’étais jamais vraiment penchée sur l’œuvre de ce grand romancier américain; ma seule expérience de lecture fut un bon jour pour mourir et ce roman m’avait profondément ennuyée. Je dois remercie le club de lecture Picabo River Book Club, consacré à la littérature nord-américaine, (je vous invite à aller jeter un coup d’œil sur la page Facebook) de m’avoir donné l’occasion de m’intéresser à une de ses œuvres, grâce à la lecture commune de cet été.


Je me suis donc lancée dans l’un des romans les plus appréciés par les lecteurs, Dalva, sans vraiment savoir dans quoi je m’embarquais. Et je peux vous dire dès à présent, que j’ai vraiment découvert un grand auteur grâce à ce roman merveilleux (contrairement à un bon jour pour mourir). J’ai même bien peur que ma chronique ne soit pas à la hauteur de cet écrivain talentueux. Je vais toutefois faire mon possible pour retranscrire mes impressions et émotions ressentis durant ma lecture.


Dalva c’est avant tout une femme. Une femme qui fait face à son propre passé mais aussi à celui de sa famille et de l’histoire de son pays, les États-Unis. On découvre une femme forte, comme je les aime dans la littérature, essayant tant bien que mal à vivre avec le poids de l’abandon contraint de son enfant, trente ans auparavant. Seulement, à l’âge de 45 ans, un chamboulement intérieur la pousse à retrouver cet enfant, ce fils, le fruit de cet amour de jeunesse.


Dalva c’est aussi l’histoire de l’arrière-grand-père de Dalva, un botaniste et missionnaire auprès des indiens. Le lecteur suit la trace de cet homme grâce aux extraits de son journal élaboré entre 1865 et 1891. A travers ce dernier, c’est l’Histoire des États-Unis qui nous est contée et plus particulièrement l’extermination des millions d’indiens par les côlons poussés par la cupidité.


On retrouve dans cette fresque familiale, tout l’amour que peut porter Jim Harrison à sa terre natale au travers de nombreuses références culturelles (littérature, musique…) disséminées dans le récit mais aussi au travers de la description des grands espaces (notamment le middlewest) qui font des États-Unis un pays extrêmement riche et diversifié. C’est ce que j’aime dans cette littérature que l’on dénomme nature writing, cette impression d’évasion, de liberté, de renouveau, de bouffées d’oxygène que je ressens face à ce genre de description de la nature. Les États-Unis est le pays (avec le Japon) qui, lors de mes voyages, m’a le plus procuré le sentiment d’être désorientée, hypnotisée, par la beauté et la sérénité des paysages. J’ai retrouvé ce sentiment en lisant Dalva. Ce roman, c’est l’Homme, avec un grand H, face à ce qui a de plus beau au monde, face à la chose qui l’absorbe, la nature.


Jim Harrison provoque les américains, en les mettant face à leurs erreurs, leurs responsabilités, ces atrocités engendrées par leurs ancêtres. Il dénonce l’extermination des indiens, un génocide qui malheureusement n’est pas vraiment reconnu comme tel, alors que des millions de personnes ont péri en emportant avec elles leurs cultures, leurs langues, leur histoire. Et tout cela par pure cupidité, pour récupérer des terres. Jim Harrison y dénonce l’hypocrisie d’un gouvernement américain peu soucieux des désastres d’une ingérence dans un peuple complètement différent des côlons, un peuple avant tout de chasseurs nomades, qui est contraint, par soucis de « civilisation », de se mettre au pas, de vivre comme de gentils petits agriculteurs, de s’installer sur une terre (et tant qu’à faire un sol peu fertile…), d’adopter la religion et les coutumes de l’homme blanc. Dalva est une véritable remise en question, une démarche de prise de conscience de la honte et la responsabilité pesant sur les têtes des génocidaires. Comme le disait Jim Harrison dans une interview, « c’est le fantôme dans l’armoire, le cadavre de chacun » (en parlant du massacre des indiens).


On perçoit également dans ce roman, l’amour que porte l’auteur à la terre, à la ruralité et toutes ces petites villes et villages animés par ses habitants, souvent pauvres mais simples, bons, et accueillants. C’est une manière pour Big Jim de combattre la civilisation urbaine en donnant une voix aux petites gens bien souvent les oubliés de ce pays gigantesque. Dans une interview il disait: « Il faut donner une voix aux gens qui n’en ont pas. Je crois que c’est ça la responsabilité de l’écrivain ».


Dalva est enfin une quête d’identité pour Dalva et son fils abandonné. C’est un roman qui aborde le thème de l’adoption avec subtilité et douceur à la fois.


Le seul défaut que j’ai trouvé à ce roman, se trouve dans la troisième et dernière partie du récit. Ce passage m’a semblé s’essouffler quelque peu, tirer en longueur, et du coup perdre son rythme de croisière, qui ,ma fois, est lent, mais certainement nécessaire à l’ambiance recherchée.


Vous l’aurez compris, Dalva aborde énormément de thèmes chers à ce bon vieux Big Jim. J’ai tenté d’en parcourir modestement une partie qui s’est révélée au cours de ma lecture, mais j’en ai très certainement oublié. Il est de ces livres qu’il me faudra incontestablement relire pour en apprécier toutes sa profondeur et ses messages. Mon expérience de lecture a pour le moins été étrange avec ce bouquin. Je désirais enchaîner les pages, en boire tout mon soûl, tant l’histoire me happait, mais en même temps, j’avais le sentiment opposé de vouloir le reposer pour le déguster très lentement. Ce qui m’amène à dire que Dalva est comme un de ces grands crus que l’on se doit de prendre le temps de savourer et d’y revenir fréquemment pour retrouver le plaisir ressenti bien que la tentation soit grande de vider la bouteille d’un coup…


Dalva est le genre de roman qui me rappelle mon amour, mon fascination pour les États-Unis avec ses grands espaces absolument revigorants et grandioses, avec ce monde rural et ces petites gens qui y vivent et me plaisent tant. Roman âpre, dur, mélancolique, nostalgique, mais aussi tendre à la fois, Dalva est une ode à la liberté, à l’évasion, à la fuite vers l’avant. Big Jim nous a laissé une œuvre coup de poing mettant son peuple face à ses responsabilités dans l’extermination des indiens. Je lirai avec plaisir la suite de cette saga, la route du retour. Lisez Dalva pour découvrir avant tout l’écrivain amoureux du peuple indien, de la terre, de la nature et des plaisirs simples de la vie.

JessicaDubreucq
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le 23 juil. 2017

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