Joseph Boyden fait partie de ces écrivains de génie qui savent tour à tour vous toucher en plein coeur, vous écorcher vif, vous retourner et vous marquer au fer rouge. Sa plume poétique et crue, son histoire saisissante et authentique, ses personnages si réels qu’on aurait presque l’impression de pouvoir les toucher du bout des doigts…sont incontestablement responsables du coup de coeur ressenti tout au long de ma lecture.
Néanmoins…ce coup de coeur là est bien différent des précédents…c’est un bleu qui commence tout juste à disparaître…sa couleur se modifie….la douleur s’atténue… A moi maintenant de vous expliquer pourquoi…
Comme certains d’entre vous, j’avais remarqué il y a un petit moment, la couverture de ce livre en me promenant sur le net, intriguée, j’avais placé ce livre dans ma liste d’envies…où il est resté bien au chaud jusqu’à ce que mon mari décide de son côté de l’acheter et de le lire. Nous n’avons généralement pas les mêmes goûts en matière de livres et c’était donc l’occasion de partager une lecture.
Une fois le livre disponible et ses impressions énoncées, je me suis jetée à corps perdu dans ma lecture ! Il m’avait parlé d’un malaise qui ne le lâchait pas…de scènes difficiles que se soit à lire, à imaginer ou à oublier…
Je m’attendais donc tout naturellement à une histoire marquante…je n’aurais cependant pas imaginer à quel point elle pourrait l’être.
Dans ce roman, Joseph Boyden nous conte l’histoire de trois personnages dont les vies se lient et se délient au rythme des péripéties auxquelles ils sont confrontés tout au long du récit.
Confrontés à des modes de vie et de pensées différents, chaque personnage va devoir s’adapter, appréhender l’autre et affronter ce qui se dressera sur son chemin.
Le récit est scindé en trois grâce aux différentes narrations. Les points de vue du Jésuite, de l’Iroquoise et du Huron se succèdent permettant ainsi au récit de garder une cohérence et un rythme des plus intéressants tout au long de la lecture.
Joseph Boyden nous plonge dans une époque troublée, celle du 17ème siècle. Débarqués sur le nouveau continent pour prêcher la « Bonne Parole », les jésuites tentent de convertir les « sauvages » par tous les moyens afin de sauver leurs âmes condamnés. Les Indiens, quant à eux, voient en ces « corbeaux » qui sentent mauvais et qui semblent fous, une opportunité à saisir. Entre un climat souvent hostile, un mode de vie sur le déclin et des guerres incessantes opposant différentes tribus Indiennes,l’arrivée inopinée de ces intrus pourrait s’avérer profitable. En effet, le commerce, les échanges et les alliances, s’ils étaient au rendez-vous, seraient un coup de pouce non négligeable…à priori.
Oiseau est un chef de guerre Huron. Christophe est un Jésuite français avec pour mission, d’évangéliser les tribus indiennes. Chute-de-Neige est une jeune Iroquoise qui se retrouve captive de l’homme qui a tué sa famille. Ensemble, ils vont devoir s’apprivoiser pour mieux cohabiter…si une éventuelle cohabitation est envisageable.
Ainsi, chaque narration apporte quelque chose au récit et se veut indispensable à son entière compréhension. Trois personnages dont les trois voix se confrontent et tissent la toile de fond de ce roman.
L’auteur parvient à adapter son style au narrateur, ce qui nous permet très rapidement de reconnaître le personnage qui s’exprime. Le lecteur ne se perd jamais et est totalement conquis par le rythme du roman. La lecture est fluide, dynamique et agréable (si je puis dire).
Joseph Boyden ne se contente pas de nous raconter des moments de vie ou les affres d’une époque qui est à l’aube de nombreux changements…Non…Il nous les fait vivre. Le lecteur se voit aux côtés de ces personnages. Il ne regarde pas de loin le calvaire, la détresse, la tristesse…il les ressent ! Il n’est pas que spectateur, il vit chaque événement.
Les scènes et certaines descriptions sont tellement réalistes qu’elles donnent la nausée…Le réalisme avec lequel Joseph Boyden traite son sujet est saisissant…il va droit au but, sans fioriture…tel que cela se passait à l’époque : sans compromis. Les combats, les coups du sort, les aléas de la vie, les relations qui naissent et meurent sous nos yeux, la richesse des personnages, sont décrits avec tant de justesse qu’ils empoignent le lecteur.
En conclusion : ‘Dans le Grand cercle du monde’ est un livre sur l’Humain avant tout…un roman où le respect, l’amour, la douceur, la fragilité, l’humanisme côtoient la guerre, l’atrocité, l’horreur, la douleur, la cruauté. L’authentique est tellement bien mis en avant que c’est ce qui émane de ce roman, une fois terminé : le vrai…le brut…la beauté dans la noirceur. L’intemporel.
Ce chamboulement intérieur…cette vision de l’humain…sont indispensables pour nous recentrer… Je remercie Joseph Boyden pour cette lecture d’exception et vous la recommande plus que vivement.