Renard est un chef Huron respecté. En guerre depuis de nombreuse années avec les clans iroquois, il vient de prendre pour captive la jeune Chute-de-Neige qui est la fille d'un des chefs ennemis. De plus, il a au sein de son clan un "Corbeau", un de ces jésuites français venus évangéliser les indiens. Entre ces trois personnages c'est l’incompréhension, le choc des cultures et des traditions. Chacun a ses propres aspirations, ses propres croyances. Ils tentent d'atteindre leur but tantôt en s'alliant et tantôt en s'affrontant durant plusieurs années.
L'histoire nous est racontée en alternance par les trois personnages. C'est un procédé courant mais que j'aime vraiment beaucoup. Ce qu'il y a de formidable avec ce roman c'est qu'a aucun moment on se sont plus proche de l'un des personnages. L'auteur réussi à nous intéresser aux trois sans qu'aucun ne domine le récit. Ils sont les archétypes des forces en jeu à cette époque et ils permettent une réflexion sur une période historique si fascisante. On comprend ce qui anime chaque personnage et on sort des visions trop stéréotypés des indiens ou des colons. Boyde a une voix atypique et forte. Lui même d'ascendant amérindiens, il nous propose une autre représentation de l'indien colonisé. C'est un texte sans compromis et qui cherche à rendre compte d'une réalité sans l’édulcorer. Dans ce romans il oppose deux visions du monde. C'est la conception panthéiste des indiens face au monothéisme des jésuites. Pour les uns Dieu est partout et pour les autres il est l'invisible. De cela découle des façons de vivre et de penser presque antinomiques.
L'écriture de Joseph Boyden change et s'adapte à chacun de ses personnages. Ainsi on reconnaît dès les premières lignes d'un nouveau chapitre le narrateur. Cela contribue grandement à les comprendre et à s'immerger dans l'histoire. Il y a une grande proximité entre le lecteur et les personnages.
Le roman a aussi une portée documentaire. Certains rituels sont racontés avec minutie et on comprend les relations complexes, presque fratricides, qu'entretiennent les iroquois et les hurons. Cela nous est raconté sans tomber dans le folklore et sans se couper de la narration. C'est très subtile. Il y a par contre des scènes de torture assez insupportables que, pour ma part, j'ai un peu sauté.
La galerie des personnages secondaires est très intéressante également. Il y a un jésuite qui commence à perdre la tête dans cette nature hostile, des hurons qui tentent d'embrasser la religion catholique pour de mauvaises raisons et un femme plus sage que les autres qui sent les prémisses du désastre. Ils viennent nuancer les positions des personnages principaux et offrent d'autre réponses à cette période qui fut un tournant majeur pour le continent américain.
Un roman que je recommande si, comme moi, vous aimez les récits des grandes explorations et l'histoire des amérindiens.