Je t’aime bien Sylvain. Si si, vraiment. Enfin, je ne te connais pas tant que ça hein, mais tes prouesses de jeunesse en compagnie de ton acolyte Alexandre Poussin m’ont suffisamment tenues en haleine pour que tu m’inspires de la sympathie. J’apprécie aussi Alexandre hein, mais j'avoue préfèrer d’instinct les personnes moins portées sur le religieux (ce qui n'enlève rien aux accomplissements du bonhomme). Bref, la lecture de votre tour du monde a vélo et de votre (culotté) voyage himalayen a attisé mon envie de découvrir tes écris plus récents.
En me baladant chez mon libraire, je tombe sur «Dans les forêt de Sibérie ». Diantre, voilà qui est prometteur. Six mois dans une cabane au fin fond de nul part avec ta vieille carcasse pour seule compagnie. J’imagine déjà un beau discours d’introspection, du recul sur l’existence humaine, des conseils et des impressions intéressantes sur le fait de s’extraire de la société tout en en faisant intégralement parti. Une leçon d’humilité. Ca tombe bien, je pars en voyage, alors je t’emmène dans ma poche et je me promets de te lire pendant les moments de solitude. C’est toujours bien de lire les expériences d’un copain en prenant soi même de la distance.
Un soir au fond de mon duvet, je sors ma frontale et commence à te lire et… et… et c’est le drame. Non mais qu’est ce que c’est que cette merde ? Qu’est ce que c’est que ces discours a l’emporte pièce ? Ha non, tu ne vas quand même pas oser t’ériger en Ermite-Sage qui porte un jugement sur tous ceux qui n’ont pas les moyens (Oui, les moyens espèce de….) de se trouver à ta place ? Ha bah si tu le fais. Et pas qu’un peu. Vraiment pas qu’un peu.
Laisse moi te dire un truc mon vieux. Quand on a parcouru le monde comme toi, on est censé se rendre compte à quel moment notre discours passe de l’introspection constructive a celui de vieux con désabusé. Tu as bien du te relire quand même non ? Rien ne te choque ? Je cite : « Rhalala, toute cette vilaine consommation. 36 marques de Ketchup différentes. Je suis bien content de quitter ce monde hein (6 mois je te le rappelle, j’appelle plus ca de grosses vacances qu’une retraite). J’en achète quand même 18, c’est meilleur sur les pâtes. » Et on en est qu’à la première page !
Autre truc parmi des centaines. « Oooh, rien n’est plus beau que l’éphémère, alors j’écris un Haiku dans la neige qui disparaitra à la prochaine tombée. Mais bon, je le marque quand même dans mon bouquin, les gens ont besoin de reconnaître ce putain de génie »
Si encore il n’y avait qu’une dizaine de trucs de ce genre... Mais non ! Tout est comme ça du début a la fin ! Ta réflexion à la con sur la nécessité de déconnecter de cette saleté de vie parisienne qui ronge les gens (Si elle ronge les parisiens friqués dans ton genre, je te laisse imaginer comment ça se passe au delà du périph’) serait peut être un peu plus profonde si tu n’y retournais pas dare-dare des la fin de tes vacan… pardon, éloignement spirituel.
Mais c’est vrai, la modernité c’est pas bien, ca pollue la planète, ce serait quand même vachement mieux si l’humanité se décidait à vivre comme toi, retour aux sources. Ha oui, mais du coup, tu as peut-être zappé que le mythe du bon sauvage est justement un mythe. Que l’homme a TOUJOURS une (mauvaise) influence sur ce qui l’entoure, que ce soit dans un gratte-ciel ou dans une yourte. Ce ne serait pas mieux plutôt de participer un peu à cette société pour la tirer vers le haut, plutôt que de la juger comme un connard abrité dans ta cabane dont les provisions sont payées par tes droits d’auteur ? Tu ne lui dois pas d’être la où tu es à la société ?
Je ne te demande pas de lui donner le bon Dieu en confession, juste d’être un peu critique et constructif. D’être humble bordel ! Humble envers les gens qui aimeraient vivre ce que tu vis mais qui ne le peuvent pas par faute de moyen, d’obligation, de famille a nourrir. Humble envers toi-même, que je n’ai pas l’impression de lire une masturbation intellectuelle de 200 pages ! Humble envers tes lecteurs qui n’ont pas acheté ton bouquin pour y lire un pamphlet a ta gloire et a ta supériorité, mais pour partager une expérience qu’ils pensaient une découverte, et pas un caprice de connard gâté qui s’érige en juge de la vie de merde des autres (quoique quand on voit ce que tu engloutis en vodka, on se dit que ta retraite, tu as plus dû la vivre dans ton absinthe que dans ta cabane).
Tu as un problème mon gros. Tu n’aimes pas les gens. Tu les fous tous dans le même sac et tu craches dessus, en oubliant peut être au passage que tu es un humain toi aussi. Du coup, détester l’humanité à ce point et se vouer un tel culte, ca dépasse un peu mon entendement.
Je pourrais encore en écrire des tartines mais je vais m’arrêter là. Comme je suis têtu, je l’ai fini ton bouquin. Il m’a gâché quelque soirée de voyage, mais il fallait que j’arrive au bout. Si tu étais un compagnon de route, nos chemins se seraient séparés là. Mais comme tu es un livre, je t’ai jeté dans mon feu. Ca m’a fait mal au cœur, je ne brûle jamais mes bouquins, mais tu auras quand même sû trouver une utilité en me réchauffant les chaussettes. Tu auras aussi réussi à me donner une leçon d’humilité (vive la psychologie inversée) car désormais, si j’ai un but dans la vie, c’est de ne jamais, au grand jamais finir comme toi : Noyé dans mes certitudes, lesté par mon ego hypertrophié.