D’aucuns diraient d’un type qui..
Imagine qu’il y a une consolation possible au cœur des forêts froides du 50ème parallèle,
Souffre à ce point du syndrome de Stendhal et de suffocation devant tant de beautés baïkales, à un stade clinique avancé,
Allume son feu avec des pages déchirées de Diderot, car brûler Diderot c’est vaincre le froid (ceci n’engage pas Tesson, ne l’accablez pas, ce n’est que ma conclusion),
Utilise l’encre de Casanova comme adjuvant à son antidote aux arnaques voltairiennes,
Sait exprimer en quelques lignes limpides de vodka ce que Henry David Thoreau l’homme-bio a du mal à déglutir en plusieurs centaines de pages,
Ne retient de Rousseau que le meilleur, soit l’époque de sa vie où il a été enfin homme, c’est-à-dire seul,
A l’outrecuidance de rejeter en bloc Schopenhauer - sauf pour son analyse de la musique,
Ne se sent jamais aussi vivant que mort au monde,
Accepte « de ne plus rien peser dans la marche du monde, de ne compter pour rien dans la chaine des causalités »,
Ne pommade pas de moraline visqueuse ceux qui de lui pensent différemment,
N’est jamais plus heureux que lorsqu’il n’a pas à alimenter une conversation,
Sur la neige, avec un bâton, trace des haïkus,
Défend l’idée selon laquelle prendre en photo un moment est le meilleur moyen d’en tuer l’intensité,
S’impose une discipline de Cosaque pour ne pas verser dans l’oisiveté et la déprime,
Pense que « les livres sont plus secourables que la psychanalyse » car ils disent tout mieux que la vie,
..qu’il ne doit pas être foncièrement mauvais.
Mais une fois qu’on a dit ça, Sylvain Tesson, une fois qu’on l’a dit, personne n’est dupe : on sait aussi qu’il y a beaucoup de cinéma dans ton fatras à la Prévert (que tu as eu le bon goût de ne pas convoquer), qui trop embrasse mal étreint, comme dirait l'autre. Mais qu’est-ce qu’on aime ça, mais qu’est-ce que c’est bon, merci !