Depuis L’Estrange Malaventure de Mirella, Flore Vesco se plait à réinventer les contes classiques pour dénoncer les travers de la société en plaçant les femmes au cœur de récits féministes, portés par des héroïnes qui n’ont pas froid aux yeux. De délicieux enfants nous entraîne en plein cœur d’une forêt sombre, peuplée de loups et de créatures mystérieuses.
Dans une maison pleine de rires et de vie, les écuelles restent aussi vides que le sont les estomacs. Sept enfants composent cette famille, les six premiers, venus par paires, sont forts et vigoureux, le septième est plus petit et discret mais aussi plus curieux. L’amour qui unit tous les membres de la famille les aide à supporter les privations et le goût de la soupe qui n’a bientôt plus que celui de l’eau. Mais quand sept autres enfants affamés viennent frapper à leur porte, l’équilibre se rompt…
Dans cette réécriture du Petit Poucet, l’auteure s’amuse à glisser des références à Hansel et Gretel encore au Petit Chaperon Rouge au travers d’un vocabulaire toujours aussi riche et imagé. Elle développe également tout un vocabulaire de la faim, dont le champ lexical vient se mêler étroitement à celui du désir et de l’éveil à la sensualité, le manque réveillant d’autres pulsions et envies. Ainsi la chair et le sang deviennent source de jeux de mots et de phrases à double sens qui viennent étoffer un message féministe dans lequel les ogrionnes se libèrent de l’enfermement familiale pour assouvir leurs désirs de chair auprès des hommes qui se présentent sur leur chemin.
Le sang est celui de la viande qui gicle et celui des jeunes filles qui deviennent femmes. A l’image de la couverture, la couleur rouge est omniprésente dans le texte ; c’est la couleur du désir et des passions. Sa présence dans la chaumière vient créer un sentiment de malaise que j’ai parfois eu du mal à gérer, notamment dans la notion de sang qui gicle de la chair que l’on découpe ou que l’on mord. Sentiment renforcé par le fait que l’auteure s’amuse à perdre son lecteur dans le déroulé des événements créant des situations que j’ai trouvé parfois dérangeantes.
Flore Vesco parvient une fois de plus à surprendre dans un texte qui emprunte aux contes classiques tout en déconstruisant les codes patriarcaux, pour offrir un regard plus moderne et féministe tout en dénonçant les stéréotypes et les préjugés de la société. Pourtant, le malaise ressentie au fil de l’histoire m’a privé d’un réel plaisir de lecture et m’a empêché de pleinement apprécié ce roman qui ne manque pas de mordant.