Dans cet essai littéraire, Lucile Novat propose une relecture du contre Le Petit Chaperon rouge, plaçant l'inceste au centre du récit. Prenant ainsi le contre-pied total de la morale admise du conte - ne faites pas confiance aux [hommes] inconnus que vous rencontrez dehors - l'autrice pointe du doigt la difficulté à voir l'inceste, qui s'impose pourtant comme une interprétation possible et crédible du texte (dans la version de Perrault comme dans celle des frères Grimm). Les arguments textuels sont en effet nombreux, le chapitre intitulé "Troubles dans le genre" est celui qui m'a le plus convaincue (au-delà de l'appréciable référence au texte fondamental de Judith Butler). Le style de l'ouvrage joue sur les registres de langage, contribuant à rendre cette étude littéraire accessible, travail nécessaire à mon sens pour décloisonner le domaine des lettres.
L'utilisation originale des notes de bas de pages crée un récit au sein de l'essai en narrant des éléments de la vie personnelle de l'autrice, et cet enchâssement permet d'examiner un autre aspect de l'inceste, à savoir un exemple de conséquences sur la victime devenue adulte et sur ses enfants.
L'autrice ne néglige pas de politiser son propos en dénonçant la destruction par le gouvernement du projet incarné par la CIIVISE, ambitieux et adapté, pour le transformer en instance de condamnation des mineurs, à défaut de cibler les adultes qui s'en prennent aux enfants.
Enfin, le jeu littéraire propose en fin d'ouvrage est bien construit et permet de décentrer le regard du·de la lecteur·ice en poussant à chercher une solution autre que celles qui lui sont proposées, soit, peut-être, à sortir de l'emprise ?
Lucile Novat produit ainsi, à mon sens, un ouvrage s'inscrivant dans un ensemble plus grand (composé entre autres de Triste tigre de Neige Sinno, d'ailleurs cité), permettant à la société française de mesurer l'ampleur de l'inceste mais aussi son emprise sur les imaginaires.