"Est-ce qu’il faut vraiment qu’un nom veuille dire quelque chose ? demanda Alice d’un ton de doute."

Alors que l’on pourrait s’attendre à une simple réécriture d’ Alice au Pays des Merveilles, Lewis Carroll parvient à se détacher de son œuvre initiale en faisant preuve d’un style radicalement différent. Il m’a semblé voir dans ma lecture des aventures d’Alice de l’autre côté du miroir, les prémices du « stream of consciousness». L’auteur met en scène une temporalité plurielle, parfois inversée, parfois disloquée avec des faits qui s’enchainent sans être prévisibles. Par son écriture, Lewis Caroll rend compte du merveilleux, de l’imprévisible, du soudain, de l’incompréhensible et du rêve.


Toujours dans le souci de créer une écriture du rêve, c’est sur le langage que va travailler l’auteur. « La question est de savoir si vous pouvez obliger les mots à vouloir dire des choses différentes. » dit Alice au Gros Coco. Ce personnage du Gros Coco peut être assimilé à l’auteur lui-même, maître du langage, de la poésie, capable de trouver une multitude de sens aux mots jusqu’au non-sens. Lewis Carroll apporte alors une réponse ferme à la question d’Alice : « Est-ce qu’il faut vraiment qu’un nom veuille dire quelque chose ? » : NON. Tout comme le rêve, l’œuvre peut être démunie de sens et sujette à de multiples interprétations. L’esthétique du langage domine la signification. Le texte a pour seule fonction d’exister en tant qu’œuvre d’art, dénuée de sens et faisant appel à notre imaginaire comme seule compréhension**. Le poème du Jabberwocky est l’accomplissement de cette écriture**.


Une autre lecture pourrait être faite en remettant l’œuvre dans son contexte historique. En effet, il pourrait s’agir d’une réflexion sur le pouvoir annoncée par l’un des fils rouges de l’œuvre l’ambition d’Alice dans la partie d’échec : « Ça me serait égal d’être un Pion, pourvu que je puisse prendre part au jeu… mais, naturellement, je préférerais être une Reine. ». Les chapitres précédant le réveil d’Alice peuvent aller également dans ce sens. Tout se chamboule sur cette fin, le changement d’atmosphère nous montre Alice sous un autre jour, mais pour en avoir le cœur net, il ne vous reste plus qu’à lire ce petit chef d’œuvre.

CharlesCrtn
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 7 juil. 2013

Critique lue 2.3K fois

9 j'aime

2 commentaires

Charles Creton

Écrit par

Critique lue 2.3K fois

9
2

D'autres avis sur De l'autre côté du miroir

De l'autre côté du miroir
CharlesCrtn
9

"Est-ce qu’il faut vraiment qu’un nom veuille dire quelque chose ? demanda Alice d’un ton de doute."

Alors que l’on pourrait s’attendre à une simple réécriture d’ Alice au Pays des Merveilles, Lewis Carroll parvient à se détacher de son œuvre initiale en faisant preuve d’un style radicalement...

le 7 juil. 2013

9 j'aime

2

De l'autre côté du miroir
Minmay
8

"Beware the Jubjub bird, and shun The frumious Bandersnatch !"

Publié en 1871 par Lewis Caroll, "De l'autre côté du miroir" est la suite "d'Alice au pays des merveilles", on y suit Alice et ses péripéties pour devenir la reine dans ce monde du miroir...

le 8 déc. 2019

3 j'aime

5

De l'autre côté du miroir
Mugi
8

Alice ! Fait attention, les miroir, ça déforme...

Un cran en dessous du premier livre des aventures d'Alice... Sans être fade, ou ridicule en comparaison au premier roman de Lewis, ce livre reste enchanteur, magique et même par à-coup surprenant...

Par

le 20 sept. 2013

3 j'aime

5

Du même critique

Eyes Wide Shut
CharlesCrtn
9

"Je vous aime, je vous aime [...] surtout ne me méprisez pas" (Marion)

Ce film achève la carrière de réalisateur de Stanley Kubrick avec un véritable point d’orgue tant sur le plan esthétique qu’ « intellectuel » ! Réalisé à la veille de l’an 2000, Eyes Wide Shut met en...

le 23 nov. 2013

13 j'aime

6

Asphalte
CharlesCrtn
10

Tendres rencontres dans une barre HLM

Une poétique vie de banlieue Samuel Benchetrit revisite poétiquement l'habitation en banlieue HLM en bouleversant la vie de trois personnages types. Sternkowtiz le rabat-joie et raté du premier...

le 18 sept. 2015

11 j'aime

De l'autre côté du miroir
CharlesCrtn
9

"Est-ce qu’il faut vraiment qu’un nom veuille dire quelque chose ? demanda Alice d’un ton de doute."

Alors que l’on pourrait s’attendre à une simple réécriture d’ Alice au Pays des Merveilles, Lewis Carroll parvient à se détacher de son œuvre initiale en faisant preuve d’un style radicalement...

le 7 juil. 2013

9 j'aime

2