Jacques Derrida, à l'époque des pro et anti woke, fait beaucoup parler de lui. Philosophe de la "deconstruction" , il est au cœur de nombreuses critiques visant à le dépasser, notamment dans les actes d'un colloque sponsorisé par l'ex ministre de l'Education nationale. Et dans la focale de tous, cet ouvrage: De la Grammatologie sorti en 1967. Il est même classé comme l'un des sulfureux ouvrages clés de la gauche identitaire par le magazine Marianne! Autant de retours ne peuvent que motiver à lire cette clé du débat contemporain et découvrir quelles pensées disruptives s'y cachent quelle deconstruction s'y trouve.


Que nenni ! Je vais finir par croire que tous ces auteurs n'ont jamais lu l'ouvrage ou les rares passages dans lesquels le mot deconstruction apparaît.

A la place nous avons 400 pages de lecture, parfois arides qui visent à fonder une théorie de l'écriture et qui interrogent notre épistémologie. Si comme moi vous avez aimé les Mots et les Choses de Michel Foucault, sorti un an auparavant, vous apprécierez cet ouvrage qui en rejoint la logique. Comment pensons nous et quel rapport l'écriture et la parole entretiennent ils, voilà le cœur du propos et ce qu'il faut "deconstruire" non pour s'en passer mais en saisir la portée.

Partant d'une critique de la position de Saussure sur l'écriture, passant par Levi Strauss et son analyse de l'arrivée de l'écriture et de son impact dans des peuples sans alphabets, decortiquant la pensée de Rousseau dans son Essai sur l'origine des langues dont l'analyse minutieuse constitue le cœur de l'ouvrage Derrida essaie de repenser le rapport ambigu entre le signe écrit, sa signification et sa portée et la langue parlée.


Arrive t'on à une démonstration conclusive ? Je n'en suis pas si sûr. Derrida amène à beaucoup s'interroger mais apporte finalement des réponses assez fragmentaires à sa question. L'essai de Rousseau est annoncé, son choix justifié, son contenu analysé, contextualisé, explicité. Peut être est ce cela la deconstruction au fond si ce n'est de nom.


Alors qu'en penser in fine ? Si vous êtes persuadé que cet ouvrage est celui du pape du wokisme lisez le. Vous verrez que ceux qui en parlent n'en ont probablement rien lu. Si vous avez aimé les Mots et les Choses de Michel Foucault alors allez y. C'est moins percutant, mais c'est une réflexion parallèle utile. Sinon commencez par l'ouvrage de Foucault et demandez vous si vous voulez approfondir. Pour les autres, le style un peu ampoulé et la longueur sont probablement rédhibitoires.



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le 29 déc. 2023

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