Fort malheureusement, beaucoup ressentent de fortes réticences à l’idée d’aborder un tel ouvrage. Bien sûr le sujet est âpre et semble ne pouvoir laisser que peu de place aux plaisirs de la lecture et de l’imaginaire.
Pour ce qui concerne la sphère de la pensée et de la réflexion, il sera également souvent écarté comme trop restrictif par son domaine d’application.
Voilà donc Clausewitz, ce si subtile analyste du champ pratique, enfermé conjointement derrière le masque de la brute militaire et du froid théoricien.
Pourtant, j’affirme ici que la plupart auront beaucoup à gagner à se risquer aux écrits de notre général prussien ; car rarement pensée et pratique, théorie et matérialité, n’auront chevauchés en une telle proximité et avec une telle pertinence du jugement.
Faites donc fi de ce titre effrayant et venez y chercher des armes pour cette forme de guerre à laquelle aucun d’entre-nous n’échappe : la confrontation aux réalités pratiques du temps présent. Si en effet certains experts en stratégie militaire contemporains pourront trouver Clausewitz « démodé » sur le terrain qui était censé être spécifiquement le sien, il en est, à mon avis, tout autrement sur celui ou il brilla véritablement et qui, s’attachant aux caractéristiques de la nature humaine, se maintient dans sa pérennité.
Ce que Clausewitz lui-même pouvait ainsi formuler : « Ne nous y trompons pas, il n’est pas question ici de formules et de problèmes scientifiques. En fait les rapports matériels sont très simples. Ce qui est plus difficile, c’est de comprendre les forces morales qui entrent en jeu. »
Car de quoi parle-t-il donc quand il affirme, « La volonté de l’homme ne puise jamais ses forces dans des subtilités logiques. »
Ou encore, « La guerre est le domaine de l’incertitude ; les trois quarts des éléments sur lesquels se fonde l’action restent dans les brumes d’une incertitude plus ou moins grande. Plus qu’en n’importe quel domaine, il faut qu’une intelligence subtile et pénétrante sache y discerner et apprécier d’instinct la vérité. En raison de cette incertitude de toutes les informations, de toute base solide, et de ces interventions constantes du hasard, la personne agissante se trouve sans cesse placée devant des réalités différentes de celles auxquelles elle s’attendait. » N’y voyez-vous pas l’expression de quelque chose qui vous concerne fort directement dès que vous êtes confrontés à la nécessité d’agir …
On trouvera aussi souvent en Clausewitz un fin psychologue, comme ici :
« La force de caractère nous amène à parler d’une variété de celle-ci, l’obstination.
Il est souvent très difficile de dire dans les cas concrets où commence l’une et où finit l’autre ; par contre, la différence abstraite entre les deux ne paraît pas difficile à établir, (…)
L’obstination est un défaut du tempérament. Cette inflexibilité de la volonté, cette intolérance envers toute contradiction, ne relèvent que d’un égoïsme particulier qui tient avant tout à obéir et à faire obéir les autres aux seules injonctions de sa propre activité spirituelle.
L’obstination s’oppose donc à l’intelligence qui est bien plutôt la capacité d’entendement. »
Enfin, dans ce qui me semble être l’une des plus remarquables définitions du cheminement dialectique entre théorie et pratique :
« La théorie doit être une observation, non une doctrine.
C’est une investigation analytique de l’objet qui aboutit à sa connaissance. Plus elle atteint ce but, plus elle passe de la forme objective d’un savoir à la forme subjective d’un pouvoir.et, appliquée à l’expérience, en l’occurrence l’histoire, entraîne la familiarité avec cet objet. »

Pour ce qui concerne les traductions disponibles, celle révisée des Editions Gérard Lebovici en 1989, par De Vatry semble la plus cohérente ; toutefois, il pourra parfois être utile de consulter la version de Denise Naville aux Editions de Minuit (1955) dont la forme plus littéraire bien que moins précise (on y trouve quelques fâcheux contresens), peut aider parfois à éclaircir quelques points obscurs. Mais quelque soit la version, il serait fort étonnant que vous ne puissiez en tirer quelque profit.

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le 30 juil. 2013

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steka

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