Bon j'ai pas lu la même édition ni la même traduction visiblement, mais il s'agit de même ouvrage, élagué de quelques paragraphes si j'en crois la préface qui souligne qu'il s'agit d'une version abrégée. Mais soit, le coeur de l'ouvrage est tout de même là.

Fascinant petit traité stratégique que voilà. Quelque part entre le trésor historique pour ses fines observations sur la Guerre de Sept Ans, les guerres napoléoniennes, et la construction de la puissance militaire Prussienne, et la révolution stratégique pour l'intégration de nouveaux éléments dans la pensée militaire de l'époque, De la Guerre est un ouvrage riche en enseignements, pour vos campagnes militaires ou vos soirées drague dans les bars.

Le plus gros des enseignements de ce livre reste probablement l'inféodation de la stratégie militaire aux buts politiques. Finis les cloisonnements vains sur les conflits, c'est désormais le grand tableau que l'on regarde. La guerre est toujours un moyen au service d'une fin, nous explique Clausewitz. La transformation du paysage politique Européen sur la période de Napoléon en dit long à ce sujet, car malgré le retour en arrière du traité de Vienne, jamais la politique ni la guerre n'a été pareille par la suite.

Mais encore, dans le siècle de la psychologie, Clausewitz intègre enfin les facteurs moraux dans les considérations stratégiques (patriotisme, motivation, revanchisme, etc). Même s'il se lance dans un tableaux hasardeux des types de personnalités des généraux (celui qui se tait mais pense beaucoup, celui qui se précipite, etc), façon psychologie militaire taillée à grands coups de rasoir, il y a un grand progrès. Le facteur humain a une part importante et est même au coeur de la bataille. Le bon général est celui qui parvient à saisir l'humeur et les possibilités humaines de son armée, pour réduire la part de hasard dans l'engagement. Il insiste même sur le caractère de science humaine de la guerre, contre une approche mathématique... et ça, c'est fort en chocolat.

Malgré tout, Clausewitz décrit la guerre ou plus exactement l'engagement comme un jeu à somme nulle, où lorsque A a intérêt à attendre 3 semaines, B a intérêt à attaquer tout de suite, etc ; prenant même du recul sur cette affirmation en observant avec finesse les rôles interdépendants de la défense et de l'attaque (mûrissant les erreurs stratégiques de Napoléon et sa campagne de Russie). Un ennemi que l'on poursuit sans relâche sans prendre le temps de sécuriser ses arrières est facilement susceptible de mener une contre-attaque avec succès. Bon tout ceci est un peu confus et parfois contradictoire, mais enfin le bonhomme n'est pas philosophe donc on le pardonne.

Enfin, à une époque où déplacer ses hommes prend un temps fou (l'infanterie se déplace à pied), il remarque le rôle ambigu de la surprise qui ne sert selon lui que rarement. Amusant quand on a le recul sur la seconde guerre mondiale où l'Allemagne mise sur elle ! Mais c'est un autre temps et les redéploiements sont difficiles et risqués.


En bref, un ouvrage magistral pour qui veut se faire offrir des coups à boire en soirée, réussir ses études, détruire psychologiquement un rival ou une ex, et tout ce genre de choses qui profitent de l'éclairage d'une réflexion stratégique militaire relativement subtile - si on ne va pas trop dans le détail. Car, comme tout traité militaire, capter l'essence de la thèse est probablement plus important que d'observer dans le détail tous les conseils (une stratégie doit être souple et imprévisible), d'autant plus qu'on s'épargne de cette façon les passages les plus évidents du style "devant les balles les hommes ont peur", et tout ce genre de choses.

Bref, à ne pas lire, parce que comme ça j'aurais un avantage stratégique sur vous.
Bleh
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le 3 sept. 2010

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Blèh

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