Avec "De la part de la princesse morte", Kénizé Mourad signe non seulement la biographie romancée de sa mère, princesse ottomane qui lui aura donné la vie mais qu'elle n'aura pas connue bien longtemps, mais encore et surtout, elle publie aux yeux du monde un hommage vibrant qui a tout l'éclat d'une réhabilitation. La mémoire ne peut que vivre lorsqu'elle est servie par une plume talentueuse.
Quand les empires s'écroulent, ils sont nombreux ceux qui tombent avec eux dans l'oubli et sont balayés par l'Histoire en marche. Dans le fracas des armes ou les chuchotements des ministères. Déchéance, exil, abandon... tombés de leurs piédestaux, les puissants aux pieds d'argile deviennent le jouet de la politique ; dans le meilleur des cas ils se vendent au plus offrant pour sauver de la ruine les débris de leur gloire, dans le pire des cas, devenus boucs-émissaires, ils s'enfoncent dans l'oubli sans susciter de compassion. A moins que le pire soit le meilleur ?
De 1918 à 1941, d'Istamboul à Paris en passant par le Liban sous mandat français et les Indes sous domination anglaise, Selma Raouf Mourad, petite-fille d'un des derniers sultans du gigantesque Empire ottoman, est racontée par sa fille qui, sur la base d'une documentation pointue, donne libre cours à son imagination pour offrir aux yeux émerveillés des lecteurs le faste des cours impériales d'orient. D'un trait précis, d'une verve sans mièvrerie, elle prête vie à des lieux, à des atmosphères, à des civilisations, à des traditions séculaires, à des personnages, réels pour la plupart. On s'y croirait. Le réalisme de la narration immerge dans le récit et, peu à peu, l'émotion gagne au spectacle du destin hors du commun de cette jeune sultane déchue.
Pourtant, malgré les vrais atouts de ce roman, il m'aura manqué un petit quelque chose pour entrer pleinement en empathie avec Selma dont le tempérament d'élite, très bien rendu par l'auteure, m'aura retenue au bord du gouffre de l'émotion. "De la part de la princesse morte" restera cependant une belle lecture marquante.