Plus encore que Seins et oeufs, qui a fait connaître Mieko Kawakami, De toutes les nuits, les amants est un roman profondément japonais mais dont la résonance atteint une forme d'universalité sur la condition féminine d'aujourd'hui. Un livre minimaliste, dans ses dialogues notamment, lesquels semblent constamment perchés sur les crêtes de l'indécision. Fuyuko est une héroïne singulière. A près de 35 ans, elle n'a jamais connu l'amour et ne semble pas décidée à vivre autrement que dans la solitude, exerçant un métier de correctrice free lance qui lui permet de se désocialiser sans états d'âme. Dire qu'elle est introvertie serait un euphémisme, elle sort à peine, ne se lie jamais, n'a pas de hobbies particuliers si ce n'est de boire plus que de raison. Elle pourrait être ennuyeuse, Fuyuko, puisqu'elle n'a rien à dire à personne, mais c'est tout le talent de la romancière japonaise que de la rapprocher progressivement de nous avec une grande finesse psychologique. D'une certaine manière, De toutes les nuits, les amants est une comédie romantique (dysfonctionnelle) puisque rencontre il y a, avec un professeur de physique lui-même légèrement à côté de la plaque. Leurs rendez-vous sont des sommets de non dits et de banalités subtilement ciselés. Le livre est le portrait touchant d'une jeune femme fragile, craintive et inhibée qui tente de s'ouvrir à l'amour et au monde. Y parviendra t-elle ? Le suspense vaut largement celui du plus palpitant des polars.