Publié sur L'Homme qui lit :
Pour cette rentrée littéraire, le site de vente en ligne PriceMinister a décidé de mettre les petits plats dans les grands pour soutenir la littérature, en lançant une opération spéciale : les Matchs de la Rentrée Littéraire, hashtag officiel #MRL15. Pour ce grand coup marketing au service des livres, le site offrait 1000 livres parmi une sélection d’une dizaine de titres, demandant aux participants d’en parler sur l’un des réseaux sociaux de leur choix. Voilà donc comment, il y a quelques semaines, Toni Morrison arrivait dans ma boîte aux lettres.
L’auteur, du haut de ses 84 ans, n’avait jamais franchi les portes de ma bibliothèque. Et pourtant à son palmarès, une édifiante carrière littéraire, avec pas moins de deux prestigieuses récompenses pour seulement une douzaine de romans parus : le prix Pullitzer en 1988 pour son très célèbre roman Beloved, et le prix Nobel de littérature en 1993 pour l’ensemble de son oeuvre.
Son dernier roman, Délivrances, aborde la difficile question de la place des traumatismes de l’enfance dans nos vies d’adultes. Le personnage principal, Lula Ann, qui se fait appeler Bride, est directrice régionale d’une grande marque de cosmétiques. Sur le papier, elle a tout pour être heureuse : une beautée naturelle, un charme qui fait tourner la tête de plus d’un homme, une belle voiture, un appartement somptueux, un travail dans lequel elle excelle. Mais nul tableau ne saurait être si parfait, et l’épine dans le pied de Bride, c’est son intriguant petit ami Booker qui s’en est allé en claquant la porte, ne justifiant son départ que d’un sibyllin « tu n’es pas la femme que je veux« .
Sur ce difficile chemin de repentance, Bride affrontera les fantômes de son passé et devra se confronter aux conséquences vertigineuses d’un mensonge prononcé des années plus tôt, quand une petite fille un peu trop noire pour sa mère ne cherchait qu’à obtenir amour et attention de cette dernière.
Délivrances est un roman difficile, particulier. Il y est question très régulièrement (trop régulièrement, oserai-je même) d’abus sexuels d’enfants par des adultes, et on comprend pour la voir appliquer à chaque personnage que cette thématique est probablement plus importante pour l’auteur qu’il n’y paraît. Pourtant, ce périple aux allures parfois délirantes, est une dissection sans pitié d’adultes blessés dans leur enfance, illustrant sans détour les conséquences de ces traumatismes si répandus. Le titre original est d’ailleurs parfaitement parlant, « God Help the Child« . Un livre à la plume concise et maîtrisée, que j’ai vite lu, mais sans être passionné.