Publié sur L'Homme Qui Lit
C'est assez rare que je termine un roman avec les lignes rendues floues par des yeux chargés de ces larmes qui prennent leur temps, qui restent et qui s'accrochent avant de se laisser aller, accompagnées par ce petit frisson qui remonte sur les avant-bras, parcourt le bas du dos, et s'achève avec la fraîcheur d'une goutte en suspension sur le menton, retenue par la possibilité d'être bientôt rejointe par une deuxième, puis une autre encore, pour se laisser tomber sans grâce dans le vide, en emportant nos peines dans sa disparition.
Ce récit, c'est la vie de ce vieux pianiste virtuose qui émerveille des foules anonymes dans les gares, les aéroports et autres lieux publics, l'histoire de ce jeune Joseph placé à l'orphelinat catholique Les Confins après la disparition de ses parents, soumis à la perversité malveillante d'adultes censés protéger les plus fragiles et qui trouvera malgré tout dans chaque étincelle de sa vie assez d'énergie pour maintenir une flamme vacillante et chaleureuse qui se laissera bercer par les sonates de Beethoven.
L'histoire de ces enfants maltraités deux fois par la vie, retenus dans leur malheur pour les accabler un peu plus encore, orphelins dont personne ne se préoccupe même quand les drames surviennent et qui tenteront malgré tout de vivre, de grandir, d'aimer et de rêver.
Un roman qui tour à tour attendrit puis révolte, caresse d'un sentiment réconfortant avant de tout faire exploser d'une injustice déchirante. Une lecture qui m'a ensorcelé, m'a piétiné sans vergogne ; une écriture magnifique empreinte de poésie, une histoire d'amour puissante qui révolte autant qu'elle émerveille. Un roman magnifique qui méritait bien ce grand prix RTL-Lire, mais tellement plus encore.
Des diables et des saints de Jean-Baptiste Andrea a paru en janvier 2021 aux éditions L'Iconoclaste.