Au-delà de son célèbre Prix Nobel, et pour ne parler que des écrivains en activité, la Colombie reste une terre littéraire luxuriante avec Abad, Franco, Restrepo, Vasquez, entre autres (la liste est longue). Et le plus noir de tous, peut-être, Santiago Gamboa, avec lequel le lecteur le plus exigeant est rarement déçu. Des hommes en noir se situe dans la Colombie d'aujourd'hui, qui tente de se remettre de décennies de violences. Le temps des FARC et des cartels de drogue est révolu ? Oui, en apparence, mais les séquelles sont encore vives et l'écart entre riches et pauvres (indiens, métis, paysans) n'a jamais été aussi béant. Des hommes en noir est un thriller, certes, mais c'est aussi et peut-être surtout un portrait âpre d'un pays d'orphelins où un grand nombre parmi les plus démunis se jette dans les bras d'églises évangéliques sans foi ni loi, trop heureuses de profiter de la crédulité de certains. Le roman de Gamboa, comme son titre l'indique, est très noir mais il est aussi saupoudré d'humour et avant tout extrêmement humain. L'auteur réussit d'ailleurs à nous faire suivre deux enquêtes en parallèle, l'une conduite par un procureur, l'autre par une journaliste, émaillant son texte de nombreux détails psychologiques et comportementaux les concernant, souci que l'on retrouve même dans des personnages secondaires y compris les deux "méchants" du livre loin d'être unidimensionnels. Ce n'est pas tout : Gamboa excelle également dans la description de villes comme Bogota et Cali autant que dans celles de petits villages isolés, sans oublier un passage par Cayenne. La gastronomie et les alcools divers ne sont pas non plus absents d'un livre qui malgré une entame en fanfare se déroule ensuite sur un rythme lancinant et tortueux, pour notre plus grand plaisir. Le paradoxe, en définitive, de ce roman passionnant, est que s'il impressionne par le tableau d'une violence qui semble enracinée pour longtemps en Colombie, il donne aussi très envie de prendre un billet pour Bogota dans les 48 heures. Un aller-retour, quand même, de préférence.

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le 4 août 2019

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