Si Marcel m'était conté...
Ouf, il m' a fallu du temps pour parcourir les quelques 708 pages de ce pavé consacré au bon Marcel. Vous me direz, vu la taille de l'oeuvre elle-même, ce dictionnaire se devait d'être à la hauteur. Et au poids, on dira qu'il tient la route, oui, au contenu, c'est quand même parfois léger, j'ai trouvé...
Mais quelque part cette légèreté vient aussi du format: impossible de lire ce tome en longues sessions, la hachure du texte par la contrainte alphabétique fait qu'on lit des anecdotes sur le génial écrivain et sur son oeuvre , plutôt qu'une thèse académique ( ce qui est bienvenu). En effet les auteurs s'attachent aux petits détails, ceux qui vont vous échapper durant la lecture de l'énorme cathédrale proustienne, et ceux que les biographes n'ont pas nécessairement révélés. On en apprend des belles sur l'homme et sur la littérature, ce qui est bien le but recherché ici.
En remontant l'alphabet, on se rappelle toute l'oeuvre, la sonate de Vinteuil, la jalousie de Swann, les trois arbres près de Balbec , cette Albertine, dont on nous révèle ici qu'il s'agissait d'Albert, un jeune pilote d'avion, passion de Proust et décédé en méditerranée. On rencontre de nouveau le Baron Charlus, vieux bourdon occupé à séduire les jeunes et à se faire fouetter dans les bordels, on se souvient de Morel, qui joue de sa judéité avec maladresse et a le chic de se faire détester de tout le monde. On croise de vrais personnes comme Gide, qui eut le grand tort de ne pas reconnaître le talent de Proust, ou alors Cocteau, petit suiveur du grand maître et visiteur de la dernière chambre . On apprend que Marcel et Joyce se sont rencontrés sans profit aucun, et il reste à décider si Ulysse est plus grand que La Recherche. C'est un bazar bien plaisant qui s'ouvre dans les pages de ce livre, teinté comme il se doit de freudisme de bon aloi.
Je n'arrive pas à mettre une super note, alors que les auteurs ont quand même vachement bossé ce texte (et leur érudition est imposante), car je n'arrive pas à y trouver assez de choses qui m'aient marqué. Tout est intéressant et tout est anecdotique en même temps, presque une colonne "people" parfois, et j'y ai détecté comme un zeste de snobisme. Bon il y a de très bons morceaux (sur la jalousie, sur les noms, sur la vie mondaine de Proust), et contrairement à Marcel, les auteurs ont beaucoup d'humour .
Si vous n'avez pas lu la Recherche , il n'est guère utile de commencer ce livre, mais si vous la connaissez, alors je ne peux que le recommander, histoire de se replonger - tranquillement et la madeleine à la main -dans cette immense océan littéraire. (Mais je vous recommande plutôt le bouquin de Beckett sur Proust ! )