Cuba, La Havane. Don Fuego y est un chanteur talentueux de soixante ans. Il se produit tous les soirs dans un cabaret d’état, le Buena Vista. Comme beaucoup de cubains, il est fonctionnaire : l’état le paie pour chanter dans un établissement public et divertir les touristes.
Don Fuego est un personnage. Charismatique, doté d’une très belle voix et passionné par la musique, il se donne de toute son âme le micro à la main. Les touristes l’adorent. Surtout les femmes vieillissantes qui aiment se faire prendre en photos à ses côtés.
Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Jusqu’à ce que Fidel, le Dieu vivant, ne décide d’ouvrir (timidement) son paradis au billet vert : le Buena Vista est vendu à un investisseur. Dorénavant privé, le cabaret va changer de style, de fonctionnement. Et de personnel. Du jour au lendemain, Don Fuego se retrouve au chômage. L’état continue de le payer, mais il ne montera plus sur scène avant de se trouver un nouveau cachet.
C’est la mort dans l’âme que ce passionné des feux de la rampe se rend à Pôle Emploi. Comme d’autres, il fait la queue des plombes pour rencontrer un autre fonctionnaire qui l'entend sans l’écouter avant de lui dire que de toute façon, du boulot, il n’y en a pas.
Don Fuego est désormais désœuvré. Il arpente le trottoir, redécouvre la nuit cubaine et sa faune haute en couleur. De temps en temps, des touristes le reconnaissent, l’interpellent, lui serrent la main et passent leur chemin.
Déprimé, Don Fuego trouve refuge dans un vieux tram en panne que l’état n’est jamais venu réparer ni enlever de l’endroit où il pourrissait sous le soleil tropical. Installé sur une banquette à broyer du noir, le chanteur prend conscience tout à coup qu’il n’est pas seul. Une autre personne hante les lieux : il découvre bientôt une jeune femme, vingt ans, rousse et d’une beauté éblouissante.
Une rencontre inopinée qui va bouleverser son existence.
Avec ce roman, Yasmina Khadra nous emporte loin de l’Orient et de ses conflits. Point d’islamisme, rien sur le conflit israélo-palestinien, pas une ligne sur la montée du radicalisme religieux. Semblant renoncer à ses thèmes favoris, l’écrivain nous peint une toile caraïbe teintée du bleu du ciel et de la mer, du blanc du sable et du vert des palmiers.
Un virage spectaculaire qui transparait également dans le style. Je n’ai retrouvé à aucun moment l’écriture de Khadra, sa prose très littéraire presque lyrique. A tel point que si son nom n’ornait pas la couverture, j’aurais cru lire un autre auteur. Un Yasmina Khadra méconnaissable, au style bien plus simple, moins riche mais aux commandes d’un roman au cadre intéressant : Cuba, ses inégalités profondes, ses chimères et ses paradoxes.
Un livre que j’ai lu avec plaisir et intérêt mais qui, selon moi, est loin des romans phares de l’auteur comme peuvent l’être « l’attentat » ou « ce que le jour doit à la nuit ».