✩ Sélection octobre jury Grand Prix des lectrices ELLE 2020 ✩
Samar Yazbek a fui son pays, la Syrie, pour la France en 2012.
A chacun de ses voyages, ou déplacements professionnels elle a rencontré de nombreux autres réfugiés et s'est mise à noter leurs témoignages, pour elle-même d'abord, et puis l'idée a germée d'en faire un recueil.
Affligée par le traitement médiatique du rôle des femmes dans la révolution syrienne, cantonnée à un statut de victimes permanentes, elle a décidé de se concentrer sur des témoignages de femmes de 20 à 77 ans au moment de la révolution, en 2011.
L'intention était de mettre en lumière la force et le courage de ces femmes qui ont combattu et résisté à armes égales et avec autant de bravoure que les hommes, contre le totalitarisme du régime de Bachar El Hassad, dont la légitimité depuis la succession de son père en 2000, était de plus en plus remise en question.
Au-delà, c'est également contre la régression de leurs droits, en tant que femmes, terreau du délire archaïque et misogyne à venir des psychopathes de daech, qu'elles se sont mobilisées.
L'intention est sublime, la parole de ces femmes indispensable.
Mais... mais Samar Yazbek écrit:
" Mon idée de départ était de tout réécrire à ma façon (...). Mais une fois les transcriptions achevées, il m'a semblé plus juste de conserver le style et le langage particuliers de chaque femme."
Et c'est là, à mon sens, que le bât blesse, parce qu'on est loin de Primo Levi...
Parce qu'il s'agit d'un recueil de témoignages oraux, on se demande à un moment pourquoi on est en train de lire.
Un livre ne peut se limiter à son sujet, il lui faut une écriture.
Or là, honnêtement, il n'y en a aucune, seulement une succession de témoignages oraux qui clairement aurait mérité d'être retraités.
Le recueil aurait fait, sans le moindre doute, un excellent documentaire télé ou radio tant on a envie d'écouter ces femmes nous dire leur histoire, mais à l'écrit, l'absence de style à mon sens, et contrairement à la position de l'auteure, affaiblit la puissance des témoignages.
Je regrette également l'absence de contextualisation du document, qui aurait permis à la lectrice ignorante que je suis, de comprendre les paroles de ces femmes, d'en saisir les enjeux de prendre la mesure de leur combat, dont je ne doute par ailleurs pas.
Au terme d'une lecture laborieuse, pénible, dans tous les sens du termes, je me sens frustrée, avec le sentiment d'être passée à côté de tant de choses...
Dommage.