D’après ce que j’en ai compris, Eric Fottorino a repoussé longtemps l’écriture de ce livre. Car il évoque un sujet sensible qui est lié à sa propre histoire. En effet, c’est de sa mère dont il s’agit et elle a demeuré longtemps un grand point d’interrogation. A la lumière de ce texte, tout trouve son sens.
Cette femme qu’il nomme Lina a donné naissance à son premier fils, Eric, en 1960 alors qu’elle était âgée de 17 ans. Puis, en 1963, c’est Elisabeth qui a vu le jour. Le point noir dans cette histoire c’est qu’Eric et même ses frères n’ont jamais connu leur sœur. En effet, elle a été confiée à une famille. Et c’est sans doute la faille qui a meurtri une mère, des années durant.
Après cette révélation, Eric entreprend de descendre à Nice sur les traces de sa propre naissance. Il est le fils d’un dénommé Moshé, qui était juif et arabe et venait de Fès. Celui-ci a été écarté de la famille et c’est une femme bien seule qui a élevé son fils, avec l’ombre d’une absente qui planait.
Mamie et Lina remâchaient en silence la vie qui ne passait pas, le nez dans leur assiette. Personne n’évoquait mon père. On ne parle pas des fantômes à table. (p.89)
Bien que le dialogue se renoue, la distance est dure à dissiper. L’emploi du prénom pour désigner sa mère est un bon indicateur du lien encore ténu. Mais les pérégrinations niçoises en solitaire puis en duo laissent augurer une relation plus apaisée où la communication s’établierait enfin.