Ô Dora Bruder, fille de l'oubli,
Qu'inlassablement on a cherché par tout Paris,
Ô Dora Bruder, fille des limbes,
De ton absence tu nous nimbes.
Le récit de ta recherche, si torturée et lapidaire,
Me fait l'effet d'un journal de guerre.
Dora, tu réveilles les fantômes d'antan,
Cosette, Javert et Jean Valjean.
De toi, nous ne savons pratiquement rien,
Et nous continuons nos recherches en vain.
Jamais, non jamais tu ne seras retrouvée
Car hélas, tu fus victime de ta judéité.
Dora Bruder est un livre que l'on n'oublie pas, un de ces livres qui laissent une petite trace fantôme. Le style est des plus lapidaires, imitant presque le morceau de journal retrouvé vingt ans après, concernant la disparition de cette jeune fille. On est transporté dans cette recherche qui devient intime, biographie se mêlant à l'autobiographie avec les éléments épars survenant, fragments de souvenirs des moments passés avec son père, disparu lui aussi.
Magnifique passage de la déambulation dans Paris, où se mêlent aussi les personnages des Misérables, dans la fuite de Cosette et Jean Valjean, la nuit, poursuivis par Javert. Dans ce livre, le temps est mêlé tout le long : le temps des années 40, lorsque Dora disparaît, les années 60 de la recherche, l'année de l'écriture en 97, le temps des souvenirs des rencontres avec son père, et le temps de notre lecture s'y mêle aussi, ce roman se mêlant finalement à notre être, la recherche de Modiano devenant notre recherche à nous. A cela donc s'ajoute ce temps de fiction, reprenant les souvenirs de lecture des Misérables. On déambule donc entre ces différents temps comme dans un rêve tout comme ces êtres déambulent dans Paris mêlé du Petit Picpus fictionnel...