Dans ce roman, Will Self revisite le cultissime Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde en le replaçant à la fin de XXe siècle.
Malgré un rythme prenant, j'ai eu du mal à traverser en entier ce roman et à en ressortir d'autre sentiment d'un fort dégoût pour un siècle qui enlaidit les plus beaux chefs d'oeuvre du XIXe siècle. Oscar Wilde avait brillamment réussi à nous faire nous émerveiller devant la grande laideur et perversité de son personnage principal. Will Self dans Dorian ne m'a pas inspiré ce sentiment d'émerveillement. Bien au contraire. Comme on peut s'y attendre, en étant replacé au milieu de la libéralisation homosexuelle des années 80, puis de l'épidémie de SIDA, la fiction perd en élégance. Will Self est doué, écrit remarquablement, ne tente pas de pasticher le style Oscar Wilde, et pourtant, les bons mots et réparties cinglantes de Wilde m'ont manquées dans ce roman désillusionné. L'histoire de Dorian Gray perd de son sublime et n'y gagne qu'en débauche. Le personnage se vautre dans les pratiques sexuelles borderline et dans les excès de drogue dures, largement détaillées par Self. Je n'ai pas ressenti l'émerveillement que j'avais ressenti à la lecture du roman original. Je crois que ce n'est pas le but de Self. Celui-ci dépeint crûment une époque menaçante et un Dorian Gray bien moins grandiose que son aïeul. Peut-être le lecteur (moi et ma haute admiration du Portrait de Dorian Gray) est-il biaisé dans sa lecture par sa propre expérience du XXe siècle alors qu'il était libre de fantasmer le XIXe siècle rapporté par Wilde? Wilde faisait face à une censure victorienne stricte au moment de l'écriture de son livre. Ce n'est pas le cas de Self et on le ressent clairement dans le traitement du récit et du style narratif. Je ne pouvais pas apprécier pleinement ma lecture car je l'ai commencé avec un a priori, d'où ma note assez sévère. Pour autant, je reconnais l'audace de ce livre et qu'il pourra plaire à nombre de lecteurs...Peut-être pas aux fans d'Oscar Wilde mais à ceux de Bret Easton Ellis très sûrement.