Henry Wotton est un dandy qui use et abuse de tous les plaisirs illicites : sexe, drogue, alcool, et bons mots. Dans le studio de son ami (et ex-amant) Basil Hallward, vidéaste très en vogue, il rencontre Dorian Gray, un jeune homme d'une grande beauté. Il se propose de l'initier à toute une vie de débauche... Dorian se laisse tenter, tout en faisant le vœu de garder la fraîcheur et l'innocence de la jeunesse. Mais il y a le sida et ses ravages... Dorian est Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde transposé un siècle plus tard. Wilde racontait la déchéance du XIXe siècle finissant, Will Self, lui, raconte la lente dérive du Londres décadent des années 80 et 90. Dans ces variations sur un mythe, il dépeint, avec le cynisme et l'humour qu'on lui connaît, une fin de siècle désormais révolue.
« Je me sens en phase avec le monde. Absolument. Il semble qu'il soit en phase terminale comme moi. »
Voila qui résume l'esprit d'un roman que l'auteur a voulu être une imitation de Wilde. C'est plutôt réussi, on est dans la réminiscence d'un personnage fort, mais jamais Will Self ne tombe dans la caricature, ou dans la simple actualisation du propos original.
Dorian est un roman extrêmement dynamique, qui joue sur des registres faciles et déjà vu certes, mais jamais l'auteur ne sombre dans une vulgarité banale et contemplative. Le propos en est donc libéré et prend tout son sens. C'est selon moi, là que se situe le tour force de Will Self : il est parvenu à faire sienne une image d'un Dorian Gray pourtant acquise à l'imaginaire populaire.
La mise en abîme du roman originel est enivrante, parfois ouverte, parfois plus fine, mais toujours Will Self sait utiliser le lien avec le roman de Wilde pour rendre le sien plus terrible, plus vivant, plus proche d'un vrai.
Apres Les Grands Singes, et surtout La Théorie Quantitative de la Démence, Will Self est définitivement un auteur qui mériterait un meilleur éclairage sur la scène littéraire française.
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