Double Nelson
5.9
Double Nelson

livre de Philippe Djian (2021)

Reproche t-on à Patrick Modiano d'écrire toujours le même livre, à quelques nuances près ? Philippe Djian, dans un style très différent, ne fait pas autre chose et s'il est vrai que ses romans ont un grand air de famille et partagent des obsessions communes, chacun d'entre eux possède suffisamment de spécificités pour éviter la routine (ou pas). Double Nelson aborde une fois de plus la question des rapports entre homme et femmes, les conflits qui s'ensuivent et l'insurmontable constat que les uns et les autres sont aussi incapables de vivre ensemble que de s'éloigner durablement en choisissant la solitude. Le thème est éternel et les variations innombrables, ce à quoi l'auteur de Double Nelson s'attelle depuis des décennies. Sans être un millésime remarquable, ce dernier roman n'a rien d’infamant, loin de là, à partir du moment où l'auteur se contrefiche du réalisme, s'attachant en priorité aux relations tumultueuses entre ses deux personnages principaux, un écrivain et son ex, qui pourrait ne plus l'être, membre des forces spéciales d’intervention de l’armée. Djian, qui ne manque pas d'humour, a donné à son héroïne un métier musclé qui brouille encore plus le rapport de genre entre les deux protagonistes, faisant de l'homme un personnage soit passif, soit seulement réactif. Un renversement des rôles traditionnels avec lequel le romancier s'amuse beaucoup, quitte à revêtir de temps à autre la panoplie du vieux ronchon misogyne, qu'il se plait à être ou à jouer. Outre le couple ci-dessus évoqué, le récit introduit aussi une jeune femme érotomane dont les apparitions et les actes oscillent entre le grotesque et le dramatique. Moyennant quoi, avec quelques recettes narratives toujours efficaces (les ellipses, les subits changements de perspective psychologique, les révélations a posteriori des événements les plus importants), Double Nelson maintient son cap et l'intérêt du lecteur, à condition que ce dernier repère, comme d'habitude, la virtuosité derrière l'apparente nonchalance d'un style largement éprouvé. Hommes et femmes, mode d'emploi : Djian ne cessera donc jamais de travailler sur le sujet.

Cinephile-doux
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes livres de 2021

Créée

le 30 oct. 2021

Critique lue 311 fois

Cinephile-doux

Écrit par

Critique lue 311 fois

D'autres avis sur Double Nelson

Double Nelson
Samueld_Halescourt
8

Retrouver une Edith !

Une nouvelle fois Djian m'a régalé ! Encore une fois continuant son entreprise d'exploration au plus près de l'humain, de tout ce qui en compose ses différentes facettes, du rapport des autres, des...

le 19 janv. 2023

Double Nelson
Cinephile-doux
7

Hommes et femmes, mode d'emploi

Reproche t-on à Patrick Modiano d'écrire toujours le même livre, à quelques nuances près ? Philippe Djian, dans un style très différent, ne fait pas autre chose et s'il est vrai que ses romans ont un...

le 30 oct. 2021

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 28 mai 2022

79 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

79 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

72 j'aime

13