Douleur
7.2
Douleur

livre de Zeruya Shalev ()

C’est un livre sur le renoncement. En le refermant, on ne peut s’empêcher d’avoir un goût amer. Iris s’émancipe d’un quotidien pesant, revit son adolescence dans les bras d’un ancien amant qu’elle surnomme sur son téléphone « Douleur » (d’où le titre) C’est donc le passé qui revient, insidieusement, douloureusement. En arrière-fond, est évoquée la Shoah, traumatisme originel. Je pense qu’on peut avoir une lecture symbolique : le passé avec Ethan représente une échappée par le fantasme, là où sa vie disloquée peut évoquer la situation de l’Israël et de la Palestine.


Car en parallèle se tisse la situation israelo-palestienne, en même temps que paradoxalement, la situation initiale (qui est donc un attentat) s’éloigne. La devise dans l’école que dirige Iris « l’autre, c’est moi » semble échouer. Pourtant, on sent que la réconciliation d’Iris avec elle-même, avec les autres, parle de ça. Le morcellement de son corps, qu’on fait tenir à coup de vis, sa reconstruction impossible dit quelque chose de ce territoire fragmenté. Et la fin, avec un espoir, un point d’interrogation optimiste parait aller dans ce sens.


L’aventure en elle-même est irréelle, un songe qui se dissipe quand la journée et la « vraie » vie se dessinent. Ethan ne peut qu’être un fantôme du passé, qu’une douleur qui fait écho à celle de cet attentat. Une marche vers la redécouverte de soi. Et c’est ce que je peux regretter, car pour ma part, ce sont les passages que j’ai préférés. (L’ambiguïté d’une boulette de viande régurgitée dans la bouche de son amante, y a que ça de vrai).


On peut diviser le roman en trois parties : et malheureusement, l’intrigue s’essouffle dans la troisième, là où Iris abdique pour « sauver » sa fille d’un gourou bas de gamme. La fin balaie un peu ce qui a été établi, cette douleur lancinante semble être repoussée du revers de la main, et ça peut être frustrant du point de vue du lecteur, que tout se résolve si aisément alors qu’on mâchonne obstacle après obstacle, et qu’on ressent un léger « tout ça pour ça ». Mais la destination compte peu, et j’ai tout de même apprécié le voyage.


Un extrait révélateur, mais pas trop non plus, enfin, je l’espère :
« — Ne t’en va pas, ne me laisse pas », chuchote-t-il, et en regardant de nouveau sa montre, elle découvre qu’il est minuit passé, son corps est gorgé d’amour, de sève adolescente, de feuilles mortes écrasées, de promesses, de serments et de regrets aussi vieux que les enfants qu’ils n’ont pas eus, elle se détache de lui le cœur chaviré, elle aussi a perdu la notion du temps et de son identité, d’où vient-t-elle, où va-t-elle, devra-t-elle rendre des comptes et à qui ? »

YasminaBehagle
7
Écrit par

Créée

le 2 sept. 2021

Critique lue 77 fois

YasminaBehagle

Écrit par

Critique lue 77 fois

D'autres avis sur Douleur

Douleur
jusefaitdesfilms
1

L'ennui

J'ai essayé de le lire il y a deux ans mais je l'ai vite abandonné... Le résumé m'avait l'air pourtant très prometteur mais le style d'écriture très répétitif ( la faute à une mauvaise traduction de...

le 9 août 2023

Douleur
YasminaBehagle
7

Je veux prendre ta douleur

C’est un livre sur le renoncement. En le refermant, on ne peut s’empêcher d’avoir un goût amer. Iris s’émancipe d’un quotidien pesant, revit son adolescence dans les bras d’un ancien amant qu’elle...

le 2 sept. 2021

Douleur
JulienCoquet
9

Retour du premier amour

Iris, la cinquantaine, voit sa vie bouleversée lorsqu’elle tombe par hasard sur son premier amour. Quant à sa fille, elle semble aller de plus en plus mal et s’éloigne du foyer familial. Poignant. On...

le 3 mai 2021

Du même critique